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  • Question d’honneur. Les notions d’honos, honestum et honestas dans la République romaine antique by Mathieu Jacotot
  • Clément Bur
Mathieu Jacotot Question d’honneur. Les notions d’honos, honestum et honestas dans la République romaine antique Rome, École française de Rome, 2013, 818 p.

Le présent ouvrage est issu d’une thèse de doctorat d’études latines. Il s’inscrit dans un renouveau des monographies consacrées à une notion, telle celle de Philippe Akar sur la concordia, et développe les pistes annoncées par l’étude magistrale de Joseph Hellegouarc’h en conjuguant approches littéraire, historique et philosophique1.

Constatant la polysémie du terme « honneur », Mathieu Jacotot entend examiner aussi bien l’expérience de l’honneur dans ses aspects sociopolitiques et moraux que sa pensée. Pour ne pas plaquer les concepts de l’anthropologie sur une société ancienne, il choisit d’examiner la notion indigène en étudiant l’honos et ses dérivés, l’honestum et l’honestas, des termes qui ont l’avantage d’être fréquents. De la sorte, M. Jacotot veut montrer « comment se produit à Rome la cohésion du corps social », « comment le pouvoir s’exerce dans d’autres espaces que les institutions » et « comment les groupes dominants utilisent les grandes notions sociopolitiques comme armes idéologiques ou instruments d’affirmation identitaire » (p. 10).

Conscient des problèmes posés par la plasticité de la notion d’honneur, son évolution, son rapport aux autres notions proches et les relations entre pensée et conduite, M. Jacotot associe trois démarches complémentaires constituant les trois parties de l’ouvrage : une étude sémantique à travers une analyse sémasiologique à laquelle Jean-François Thomas nous avait déjà habitués2 ; une étude des pratiques selon une perspective anthropologique inspirée de la méthode de Myles McDonnell, sur laquelle plane l’ombre de Pierre Bourdieu3 ; une étude axiologique et idéologique. Très classiquement, la période retenue va de la fin du iiie siècle av. J.-C., lorsque la notion apparaît dans les textes latins, à la fin des années 40 av. J.-C. Le corpus ainsi défini ne retient que les sources de langue latine écrites pendant cette période, qui s’ouvre avec Plaute et Ennius et s’achève avec Cicéron, Salluste et César. Conscient des limites épistémologiques d’un tel choix, M. Jacotot annonce que son travail « sera surtout une étude des représentations de cette pratique par les Romains » et que, en dégageant un noyau dur, lui-même a pour objectif d’atteindre la « pratique effective de l’honneur » (p. 19).

S’inspirant de l’analyse sémique et grâce à un relevé exhaustif des occurrences, M. Jacotot approche, sème par sème, le sens de chacun des trois termes et son évolution. Selon lui, la valeur première d’honos est « marque d’honneur », relevée pour près de la moitié des occurrences, tandis que les acceptions « considération » et « charge publique » représentent chacune un peu moins du quart des cas pris en considération. M. Jacotot en conclut que « les sèmes du /bienfait/, de l’/estime/, de la /position sociale éminente/ et des /mérites/ sont les plus fréquents et confèrent à honos une réelle unité » (p. 106). Si le sens « honorable » est de loin le plus fréquent (presque la moitié des occurrences), honestus connaît une moralisation, avec le sens d’« honnête » qui le conduit à l’acception esthétique « moralement beau ». Cette évolution explique peut-être l’apparition du substantif honestas au début du ier siècle av. J.-C. Ce rapprochement avec la notion grecque de kalon pour honestus et honestas est un calque sémantique qui témoigne, selon l’auteur, de l’habileté des cercles bilingues romains.

À partir de l’étude du lexique, M. Jacotot aborde, dans la deuxième partie – la plus longue de l’ouvrage–, la question des pratiques. « L’honneur romain [étant] un honneur public, animé par le regard des autres » (p. 208), [End...

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