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  • Financer les utopies. Une histoire du Crédit coopératif, 1893-2013 by Michel Dreyfus
  • Olivier Chaïbi
Michel Dreyfus Financer les utopies. Une histoire du Crédit coopératif, 1893-2013 Arles, Actes Sud/Imec, 2013, 345 p.

Si la plupart des grandes banques françaises ont leur historien, comme en témoignent Alain Plessis ou Hubert Bonin, c’est moins le cas des banques de l’économie sociale et/ou solidaire (ess). Certes, André Gueslin s’était déjà intéressé au Crédit agricole, puis au Crédit mutuel dès les années 1970, et Élisabeth Albert poursuit l’étude des Banques populaires depuis les années 1990. Mais l’histoire du financement global de l’ess par une banque qui adopte une structure institutionnelle de l’ess (association, coopérative ou mutuelle) reste à approfondir.

L’histoire du Crédit coopératif proposée par Michel Dreyfus est une importante pierre posée à cet édifice à bâtir. Bien que l’ouvrage émane d’une commande de la banque, il est loin de constituer un panégyrique du jeune organisme financier qui insiste sur sa différence dans ses campagnes publicitaires. En réalité, le Crédit coopératif tel qu’il existe aujourd’hui est une entreprise récente, puisqu’il a été fondé en 2003 par la Caisse centrale de crédit coopératif (4C) et la Banque française de crédit coopératif (Bfcc), qui avaient déjà fusionné en 1969. Son histoire est donc trop récente pour donner lieu à une étude aussi approfondie que celle dont ont bénéficié les banques séculaires du paysage financier français. Par ailleurs, l’ouvrage n’a pas pour but de faire apparaître les caractéristiques récentes de la banque, que l’on peut trouver facilement en ligne.

Plus qu’une histoire du crédit coopératif, c’est une véritable histoire de la coopération du crédit en France qui est abordée. Si le Crédit coopératif est indirectement l’héritier de la Banque coopérative des associations ouvrières de production (Bcaop) fondée en 1893, son histoire s’inscrit dans celle du mouvement coopératif et, plus généralement, dans celle de l’économie sociale, à laquelle s’intéresse un nombre croissant de ses acteurs récents.

Ainsi, le financement des utopies renvoie au début du xixe siècle et aux doctrines des pères fondateurs de l’économie sociale: Charles Fourier, Pierre Leroux, Philippe Buchez, ou [End Page 268] encore Pierre-Joseph Proudhon et son projet de Banque du peuple en 1848-1849. M. Dreyfus rappelle le rôle des pionniers de la coopération, parmi lesquels des femmes comme Jeanne Deroin, Flora Tristan ou Pauline Roland ont joué un rôle considérable. Il revient également sur les premières expériences sociétaires qui se développent dans la seconde moitié du xixe siècle, notamment les œuvres liées aux phalanstères (le Familistère de Guise) et les premiers projets mutualistes ou coopératifs, comme la Société du crédit au travail fondée en 1863 par Jean-Pierre Beluze.

Ce volume est bien plus qu’une simple monographie d’institution. L’histoire du crédit coopératif croise les grands moments de l’histoire politique et sociale française. La coopération bancaire apparaît avec la iie République, elle est balbutiante sous le Second Empire, elle souffre de la «décennie grise» consécutive à la Commune, avant de connaître un premier envol sous la iiie République. À la veille de la Première Guerre mondiale, quand la Cgt compte moins d’un demi-million d’adhérents, il y a presque quatre millions de mutualistes en France, autant de personnes susceptibles de comprendre l’intérêt d’une banque de l’économie sociale, qu’elles puisent dans ses traditions socialistes, libérales ou chrétiennes.

Au cours du xxe siècle, la coopération bancaire est souvent éclipsée par le développement des organisations syndicales et les politiques...

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