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Reviewed by:
  • Traites et esclavages en Afrique orientale et dans l’océan Indien dir. by Henri Médard etal.
  • Olivier Grenouilleau
Henri Médard et al. (dir.) Traites et esclavages en Afrique orientale et dans l’océan Indien Paris, Karthala/Ciresc, 2013, 522 p.

L’école historique française s’était traditionnellement attachée à l’étude de l’Afrique subsaharienne occidentale. Les parties plus orientales du continent avaient suscité d’éminents travaux, comme ceux de François Renault, mais les études françaises sur la question apparaissaient dispersées, à la remorque d’une historiographie de langue anglaise, quels que soient ses lieux de production effectifs. Le premier et remarquable mérite des directeurs de cet ouvrage est d’avoir rassemblé douze autres chercheurs pour constituer ce qui est à la fois une somme et un véritable livre. Servi par de nombreuses cartes et une belle bibliographie, le volume débute par une «présentation générale» d’Henri Médard (deux chapitres synthétiques). Trois parties sont ensuite consacrées à trois grandes régions: la Corne de l’Afrique et la péninsule arabique; la côte swahilie, le Sud-Ouest africain et les espaces intérieurs; Madagascar, les Comores et les Mascareignes. Plusieurs auteurs y insistent de manière récurrente: nombre d’études sont encore exploratoires. La preuve est faite, néanmoins, qu’il existe désormais une école historique française en la matière, solide, dynamique et entreprenante.

Au fil des contributions, les auteurs montrent combien l’essor de l’esclavage interne se greffe sur des situations de domination antérieures, suscitant ainsi la question des frontières, fluctuantes, entre liberté, dépendance et esclavage. Il en va de même des situations très bien mises en évidence par H. Médard de rapprochement, convergence ou chevauchement entre esclavage et activité salariée, où des maîtres par exemple recherchent chez l’esclave un produit sous forme de rente.

Faisant la synthèse des contributions de l’ouvrage, H. Médard insiste également sur un fait essentiel. À la différence de la thèse transformiste selon laquelle l’essor de la traite (souvent externe) favorise celui de l’esclavage (interne), il existe des liens beaucoup plus complexes comme le cas de l’Afrique orientale le souligne: l’esclavage interne favorise la traite, [End Page 257] tandis que celle-ci, à son tour, nourrit un essor de l’esclavage dans les sociétés où la traite joue un rôle important. Ainsi voit-on, avec le cas de la traite dans la région du Guragé (dans le Sud éthiopien) au xixe siècle, que son développement peut être porté par des acteurs locaux multiples et parfois de taille modeste.

Nombre de contributions conduisent également à réévaluer à la hausse le rôle des chrétiens dans la traite éthiopienne aux xve-xvie et xixe siècles, tout comme les volumes de la traite «à destination du monde arabe et asiatique» (p. 114-117). Le très bel article de Thomas Vernet, à propos de l’esclavage et de l’agriculture sur la côte swahilie entre 1590 et 1812, constitue à lui seul une étude à part entière. Un travail quasiment pionnier est consacré par Jean-Pierre Chrétien à des régions – les royaumes du Burundi et du Rwanda – où la traite ne se développe qu’assez tardivement.

Une place non négligeable est réservée aux sources allemandes, portugaises et en langues locales. Consacré aux formes de résistance des esclaves sur l’île Bourbon aux xviiie et xixe siècles, l’article d’Audrey Carotenuto fait montre d’une belle aptitude à croiser des sources variées, mariant l’individuel et le quantitatif. Plus généralement (chap. 4 notamment), alors que dans d’autres régions du monde l’histoire de l’esclavage peut être mise en avant pour favoriser des revendications contemporaines, en Afrique orientale et dans l’océan Indien, «beaucoup de peuples nient, camouflent ou minimisent le fait qu’ils aient pu être asservis» (p. 63). Cette situation peut être rapprochée de celle des pays de langue slave, où reconna...

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