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  • L’industrie invisible. Les draperies du Midi, XVIIe-XXe siècles. Essai sur l’originalité d’une trajectoire by Jean-Michel Minovez, and: La puissance du Midi. Drapiers et draperies de Colbert à la Révolution by Jean-Michel Minovez
  • Jean-Claude Daumas
Jean-Michel Minovez L’industrie invisible. Les draperies du Midi, xviie-xxe siècles. Essai sur l’originalité d’une trajectoire Paris, Cnrs Éditions, 2012, 593 p.
Jean-Michel Minovez La puissance du Midi. Drapiers et draperies de Colbert à la Révolution Rennes, Pur, 2012, 305 p.

Avec ces deux volumes, Jean-Michel Minovez nous offre le résultat de plus de deux décennies de recherches sur l’industrie du Midi de la France. Dans sa thèse intitulée «L’impossible croissance du Midi toulousain», il cherchait à expliquer l’incapacité des marchands-fabricants du diocèse de Rieux sous la Restauration à assurer la reconversion de ce petit territoire qui, en conséquence, périclite et se pastoralise. Il n’a cessé depuis de s’interroger sur les ressorts du processus d’industrialisation d’espaces restés en marge du développement de la grande industrie. Ces deux ouvrages constituent la version remaniée d’une habilitation à diriger les recherches consacrée à l’évolution de la draperie méridionale du xviie au xxe siècle. Par son ambition, cette recherche a exigé des dépouillements considérables et la mobilisation d’une bibliographie de plus de 900 titres. Graphiques, cartes, glossaire, illustrations et annexes complètent heureusement le texte. L’étude embrasse un large ensemble qui va du Rhône à l’Atlantique et du sud du Massif central au piémont pyrénéen et où la production de draps remonte loin.

J.-M. Minovez n’est pas le premier à s’interroger sur le développement économique du Midi, mais il pose le problème autrement en remettant en cause l’idée, à laquelle il avait d’ailleurs adhéré dans ses premiers travaux, d’un «moindre développement» du Midi (c’était le sous-titre de sa thèse). Ce sousdéveloppement apparent est le résultat d’une illusion d’optique puisque, pour les historiens qui ont étudié l’industrialisation du Languedoc et de ses marges, l’industrie était tout simplement invisible alors même qu’elle était partout présente, et ce pour plusieurs raisons. D’abord elle s’est longtemps identifiée aux petites draperies et aux tissus combinés, alors que les historiens n’avaient d’yeux que pour les grandes draperies vendues sur les marchés du Levant. Ensuite, tout au long du xixe siècle et même bien au-delà, elle reposait sur des entreprises de petite taille, aux moyens techniques limités et travaillant pour des marchés étroits. Enfin, en se focalisant sur l’effondrement de pans entiers de l’industrie régionale entre la Révolution et la Restauration, on a ignoré les mécanismes de sortie de crise et les processus de recomposition productive et territoriale qu’ils ont permis. C’est dire que le travail de l’auteur a, pour l’essentiel, consisté à rendre visible ce que les historiens ne pouvaient voir aussi longtemps qu’ils demeuraient prisonniers d’une vision de l’industrie qui doit beaucoup à L’Europe technicienne de David Landes et à l’idée d’une voie royale de l’industrialisation dont l’aboutissement serait le factory system, tel qu’il a triomphé avec les grandes usines du Nord de la France.

Le programme de recherche de l’auteur est triplement original. D’une part, l’analyse articule deux niveaux: une vaste région où les producteurs sont soumis à des contraintes communes (éloignement des ports, dépendance pour l’approvisionnement en laine, manque de capitaux, etc.), sans que pour autant elle forme un espace économique uniforme, et les territoires lainiers qui la composent – vingt-deux à la veille de la Révolution – et qui ont des structures et des traditions différentes. Emboîtés ou discontinus, ces espaces s’identifient toujours aux produits qu’ils fabriquent – ce [End Page 255] qui suppose des techniques, des savoir-faire et une culture...

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