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Reviewed by:
  • Property Rights, Land Markets and Economic Growth in the European Countryside (Thirteenth-Twentieth Centuries) dir. by Gérard Béaur etal.
  • Luca Mocarelli
Gérard Béaur et al. (dir.) Property Rights, Land Markets and Economic Growth in the European Countryside (Thirteenth-Twentieth Centuries) Turnhout, Brepols, 2013, 535 p.

Cet ouvrage est important et exemplaire à plus d’un titre. En premier lieu, il aborde deux domaines primordiaux de l’histoire économique et de l’interprétation des processus de développement: la propriété et le marché. Si l’une et l’autre font aujourd’hui l’objet d’une réflexion scientifique renouvelée, c’est sûrement parce que la gravité de la crise économique et financière de ce début du xxie siècle a abouti à remettre en cause non seulement un modèle de développement où ceux qui sombrent sont plus nombreux que ceux qui surnagent, mais aussi, et par conséquent, ses fondements, notamment la propriété privée. À ce sujet, la thèse d’un processus linéaire et dichotomique qui, depuis les révolutions européennes du xviiie siècle, aurait dû se traduire par un passage des droits de propriété partagés et du travail corporatif, ou à domicile, de l’Ancien Régime à la pleine propriété privée et au travail salarié – ces deux éléments étant considérés comme inséparables du capitalisme contemporain – est désormais amplement désavouée.

En outre, et c’est ce qui le rend si passionnant, cet ouvrage se penche sur un secteur, l’agriculture, qui a été banni des temps présents, ou tout au plus considéré comme un domaine irréaliste, irénique et bucolique, mais qui se révèle pourtant décisif pour une croissance économique moderne, d’autant que sa modernisation est une condition sine qua non pour remettre en marche des processus de développement. La clef de lecture qu’ont adoptée les auteurs dans leur approche du secteur primaire est particulièrement séduisante, car ils expérimentent quelques-uns des principes fondamentaux de la théorie néo-institutionnaliste en faisant appel à l’expérience historique concrète.

Enfin, chose rare, ce travail est réellement comparatif et collectif, réunissant des experts de différents pays européens qui sont conviés à explorer un ensemble de problèmes bien définis et partagés, en vue d’une synthèse à l’échelle nationale ou régionale. Moyennant quoi, les résultats de recherches difficilement accessibles, surtout pour des raisons linguistiques, sont mis à la disposition du lecteur, d’une part, et débouchent sur un vaste panorama, d’autre part, allant de l’Europe méditerranéenne à la Scandinavie, et comprenant aussi les réalités de l’Europe centrale et orientale, trop souvent omises. [End Page 246]

Les auteurs entendent vérifier trois thèses de la théorie néo-institutionnaliste: la relation entre droits de propriété et croissance de l’agriculture, où la propriété nécessaire pour la croissance est la propriété pleine, indivisible et absolue; la relation entre pleine propriété et existence ou développement d’un marché foncier efficace; enfin, le rôle joué par le marché dans la modification et la transformation, au sens moderne du terme, des sociétés agricoles traditionnelles. Il s’agit de questions déterminantes, car pour les néo-institutionnalistes, Douglass North en tête, le progrès et la croissance ne dépendent pas tant du développement technologique que de l’existence d’innovations en mesure de moderniser des «institutions» comme la propriété et le marché, que l’ère préindustrielle considérait comme intrinsèquement inefficaces.

Le premier élément sur lequel il faut insister, et que les auteurs démontrent amplement, est l’impossibilité de confiner la complexité des processus historiques dans des schématismes simplificateurs. Les termes de «propriété», «marché» et «croissance» renvoient en fait à des situations concrètes, très variées et aux multiples facettes. Pensons à la difficulté de définir sans la moindre ambiguïté l’expression «marché réel...

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