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Reviewed by:
  • Usuriers publics et banquiers du Prince. Le rôle économique des financiers piémontais dans les villes du duché de Brabant, XIIIe-XIVe siècle by David Kusman
  • Paul Bertrand
David Kusman Usuriers publics et banquiers du Prince. Le rôle économique des financiers piémontais dans les villes du duché de Brabant, XIIIe-XIVe siècle Turnhout, Brepols, 2013, 467 p.

Voici un livre dont le titre et le propos pourraient effrayer, voire susciter une forme de dédain chez bien des médiévistes. Ils auraient tort. Certes, le propos est ardu: montrer comment les «banquiers lombards» de nos manuels scolaires se sont installés dans une région à la fois industrieuse et prospère au cœur de ce qui deviendra les «anciens Pays-Bas»; étudier le terreau dans lequel ils vont prendre racine; analyser leurs pratiques techniques, commerciales et bancaires; comprendre leur insertion sociale, économique ou politique brabançonne; discerner des temporalités, une chronologie. David Kusman veut [End Page 232] également répondre à deux questions délicates: qu’est-ce que l’usure et comment estelle vécue par les uns et les autres, dans les différentes villes, communautés ou groupes sociaux du duché? Ce projet aboutit nécessairement à un livre dense, servi par des titres peu amènes mais explicites – ainsi, les trois parties qui en distribuent le propos: «L’arrivée dans un marché de l’argent très morcelé mais compétitif», «Usuriers au service d’un Prince entrepreneur et réseaux financiers internationaux», «L’intégration dans la société brabançonne»–, où toutes les sources d’archives possibles, en Belgique et un peu partout en Europe (notamment en Italie), ont été dépouillées.

Une des qualités les plus éminentes de cette thèse est son souci de placer son objet de recherche dans une large chronologie: la situation du «marché de l’argent» avant l’arrivée des «Lombards» du Piémont – notamment d’Asti –; l’installation de ces Astésans et leur montée en grâce au service du duc et des grands, leur insertion difficile mais réelle dans toutes les structures de domination et d’encadrement; leur chute relative et l’arrivée de leurs successeurs. C’est autour du «fantôme des origines» que le récit se fait le plus complet, comme toujours dans les pratiques historiennes. La chute n’occupe que le quatrième chapitre de la dernière partie. Mais la quête des origines est passionnante: D. Kusman décrit avec acribie les différents acteurs au travail dans le marché de l’argent. On y voit, pour ne prendre qu’un exemple, le duc de Brabant comme le comte de Flandre s’attacher, au milieu du xiiie siècle, à l’expansion de leur espace de pouvoir et profiter du surendettement de l’abbaye de Kornelimünster, faisant pression pour qu’elle se libère à leur profit de terres grevées de rentes viagères qu’elle n’arrivait plus à payer. D. Kusman décrit les différents acteurs au travail chez les brasseurs d’argent – notamment les prêteurs juifs, dont il montre qu’ils sont surtout actifs dans le prêt local, «à la consommation», à très court terme. Il fait un sort aux templiers, dont l’activité financière en terre brabançonne est clairement insignifiante par rapport à celle du Temple de Paris. Les premiers techniciens de l’argent italiens arrivent d’Asti à la fin du premier quart du xiiie siècle, mais il faut une cinquantaine d’années pour qu’ils s’installent pleinement et deviennent des interlocuteurs incontournables pour les princes. Les Astésans n’arrivent pas directement à Bruxelles ou à Malines: leur première station est Tournai, un lieu qui semble adapté et assez proche de leurs milieux d’origine. Mais une fois parvenus en Brabant, ils s’installent aux endroits stratégiques: péages majeurs, châtellenies, bourgs de passage, «villes frontières».

Ici aussi, le titre du livre peut tromper: il n’y a pas que le duc qui se lie aux banquiers italiens. D. Kusman montre comment les «Lombards» piémontais...

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