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  • Pour une sociologie de l’environnement : environnement, société et politique by Bernard Kalaora et Chloé Vlassopoulos
  • Stéphane Frioux
Bernard Kalaora et Chloé Vlassopoulos Pour une sociologie de l’environnement : environnement, société et politique Seyssel, Champ Vallon, 2013, 320 p.

Ce livre est une production hybride – adjectif qui sied bien à ce qui touche à l’environnement – fort originale. Ce n’est en effet ni un manuel ni une revue exhaustive de l’état de l’art dans une discipline qui, en France, selon les auteurs, a longtemps négligé l’environnement au motif que celui-ci était conçu dans son extériorité à l’homme. L’environnement, appréhendé ici de façon plus large et inter-actionniste, est envisagé dans une double dimension, à la fois « objet de recherche » et « enjeu d’action sociale et politique » (p. 11). Cet ouvrage très dense permet de faire le point sur les difficultés des sciences sociales françaises – mais aussi des politiques publiques – à intégrer l’environnement. Il met en lumière, de façon parfois légèrement répétitive, la précocité du monde anglophone, qui remonterait à la tradition pragmatique et empirique de la philosophie anglaise. En résumé, l’environnement à la française est traditionnellement posé comme un objet extérieur au domaine du social, qu’il soit le récepteur passif des actions humaines qui le dégradent ou l’agent causal qui façonne le milieu et les vies humaines, tel que le climat étudié par Emmanuel Le Roy Ladurie. Chez les Anglais et les Américains, en vertu d’un héritage philosophique dont cet ouvrage souvent engagé rend compte, en suivant la thèse du philosophe Lionel Charles, l’environnement englobe à la fois humains et non-humains et relève d’une perspective inter-actionniste.

Le souci des auteurs de replacer le problème dans la diachronie traverse les chapitres. L’idée majeure, qui découle de la reconnaissance d’une primauté anglo-américaine, est que l’approche sociologique de l’« environnement » n’est pas née en 1970. Le premier chapitre, sur les « cadres cognitifs » qui permettent de penser l’environnement, permet de souligner, à côté de celui des hygiénistes et des esthètes, le rôle des ingénieurs du xixe siècle, au même titre que celui de figures pionnières comme George Perkins Marsh, Patrick Geddes, Lewis Mumford et des penseurs de l’École de Chicago; autant de figures dont la réception en France est longtemps restée faible. Les deux chapitres suivants poursuivent l’analyse historiographique, enrichie d’informations tirées de l’expérience de première main d’un des deux auteurs, engagé durant plusieurs années comme chargé de mission auprès du ministère de l’Environnement. Un point de vue rétrospectif parfois pessimiste parcourt cette partie de l’essai qui déplore la fragmentation disciplinaire en matière de recherches environnementales, obstacle à l’interdisciplinarité, ainsi que la rupture entre gestionnaires et scientifiques. Cependant, les principales initiatives en matière de sociologie durant le dernier quart de siècle (rurale, des sciences, des risques, pragmatique, de l’action publique) apparaissent clairement, avec une présentation de leurs figures de proue et de leurs travaux emblématiques.

Passée cette partie plus épistémologique, le quatrième chapitre s’interroge sur les façons d’étudier les relations entre société et environnement. Les auteurs retracent la création de nouveaux mouvements sociaux et les problèmes théoriques que la sociologie s’est posés à ce sujet. Puis ils étudient le lien entre écologisme et parti politique dédié, notamment à partir de l’ouvrage de Michael Bess, pourtant discutable et discuté par les historiens français1. La suite du chapitre est plus novatrice, faisant le point sur la difficile émergence des problèmes de santé et de justice environnementales. La problématisation environnementale de la santé, à la suite de la rupture scientifique provoquée par le pasteurisme, a longtemps été victime de la sectorisation de l’action publique en France et a émergé malheureusement en réponse à la canicule de 2003. La justice...

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