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Reviewed by:
  • Homo historicus. Réflexions sur l’histoire, les historiens et les sciences sociales by Christophe Charle
  • Christophe Prochasson
Christophe Charle Homo historicus. Réflexions sur l’histoire, les historiens et les sciences sociales Paris, Armand Colin, 2013, 319 p.

Il faut savoir gré à Christophe Charle d’avoir proposé à ses lecteurs un recueil de ses articles qui se présente comme un vrai livre, fortement articulé, cohérent dans son propos, soigneusement présenté par des textes intermédiaires et rassemblant des textes mis à jour. À l’inverse de tant d’ouvrages de même type, trop souvent fabriqués à la diable, celui de C. Charle se lit avec intérêt et même plaisir. Il fera référence dans le paysage historiographique. [End Page 513]

S’y trouve défendue avec la dernière énergie une histoire sociale, dans le sillage de toute l’œuvre de l’auteur, à base prosopographique, arc-boutée sur la sociologie de Pierre Bourdieu. Le monde social, englobant les composantes politiques et culturelles auxquelles C. Charle a toujours été sensible, s’éclaire de la théorie des champs. Sans dénier des bribes d’autonomie à la culture et à la politique, l’auteur est théoriquement convaincu de leur dépendance presque mécanique à l’égard d’un social d’abord conçu comme un espace où se jouent des logiques de domination.

Cette épistémologie travaille l’ensemble d’un livre composé en trois parties. La première relève le plus nettement de ce que l’on pourrait appeler une socio-épistémologie des sciences sociales. Plaidant en faveur d’un désenclavement de l’histoire, l’auteur en appelle aux vertus du dialogue interdisciplinaire, principalement organisé autour de l’histoire, de la critique littéraire (vivement vilipendée sous ses formats traditionnels) et de la sociologie. Encore s’agit-il principalement de celle de P. Bourdieu, à laquelle il n’a jamais cessé d’être redevable, n’en pointant les inaccomplissements que pour mieux en célébrer les fondements théoriques. C. Charle souligne la longue fidélité au sociologue français qui fut la sienne, au risque d’ailleurs de s’être fermé à d’autres rencontres possibles. Il est vrai que l’histoire sociale de C. Charle est celle des grosses enquêtes quantitatives héritières de l’histoire sérielle des années 1970, qui trouva chez P. Bourdieu des méthodes et une épistémologie à même de répondre à des approches structurales. Il ne fait pas de doute d’ailleurs que ces travaux contribuèrent à enrichir notre connaissance des sociétés contemporaines. On regrette davantage que, pour un livre qui se présente comme une réflexion d’ordre général sur l’histoire et les sciences sociales, il n’ait pas été ménagé plus de place à la discussion d’autres approches. La microhistoire, par exemple, n’est qu’à peine évoquée, silence est fait sur l’histoire des pratiques relationnelles par réseaux et il n’est rien dit des effets importants que la sociologie pragmatique eut sur bien des travaux d’historiens, précisément du côté de l’histoire des intellectuels, comme l’atteste l’histoire des sciences.

La deuxième partie, qui verse du côté de la méthode, souffre un peu des mêmes travers. On ne peut certes manquer d’en partager bien des constats : la dénonciation du culturalisme, les effets dévastateurs des épistémologies molles issues d’un évanescent « post-modernisme » drainé par les cultural studies, la vanité des étiquetages scientifiques et de certaines postures, les forts appels au comparatisme et à l’histoire des circulations internationales. On est également sensible à la ligne d’horizon de C. Charle défendant l’idée que l’histoire des structures ne doit pas s’opposer à celle des textes ou des œuvres, même si la démonstration n’est pas toujours faite. Les investissements demandés par l’histoire sociale défendue ici sont si exigeants que peu de temps est laissé aux chercheurs pour prendre en compte d’autres niveaux d’analyse. Mais ce qui fait le plus défaut à cette dernière...

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