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Reviewed by:
  • Histoire et anthropologie de la parenté. Autour de Paul Lacombe, 1834-1919 dir. by Agnès Fine et Nicolas Adell
  • Enrico Castelli Gattinara
Agnès Fine et Nicolas Adell (dir.) Histoire et anthropologie de la parenté. Autour de Paul Lacombe, 1834-1919 Paris, Éd. du Cths, 2012, 401 p.

Le mérite de ce livre est d’attirer l’attention sur un auteur et un savant sui generis, dont le destin n’a pas été assez « juste » (p. 269), selon les auteurs, puisqu’il a précipité dans l’oubli des idées et des méthodes à l’actualité surprenante. Tous les contributeurs s’accordent sur l’étrangeté de cet oubli. Certes, Paul Lacombe était connu parmi les historiens qui s’étaient occupés de l’histoire récente et de l’épistémologie de leur propre discipline. Rangé parmi les sociologues ou les tenants de l’histoire sociologique, parfois de l’histoire psychologique, il était considéré comme l’un des grands-pères de l’historiographie moderne (notamment celle des Annales), limité cependant par son appartenance à une approche très caractéristique du XIXe siècle; mais, de ses idées sur la morale, sur la famille ou sur la sexualité, personne ne savait plus rien.

L’enjeu du livre est de faire connaître un auteur complexe, multiple, polygraphe, à contrecourant et source d’une actualité problématique qui – si elle a été parfois exagérée – n’en reste pas moins intéressante et intrigante. Les problèmes et les réflexions abordés par les divers essais présentent un homme dans toute son ampleur, défini par une multiplicité surprenante d’adjectifs qualifiant le politique (socialiste, républicain matérialiste, antagoniste, féministe, anarchiste, militant, modéré, pacifiste, libre penseur) ou le savant (chartiste, historien, anthropologue, sociologue, journaliste, polémiste).

Cependant, à la question fondamentale de savoir pourquoi P. Lacombe est tombé dans l’oubli, il semble difficile, voire impossible, de donner une réponse complète. La plupart des essais traitent des différents aspects de son œuvre, rendant justice à l’anthropologue, au sociologue, au féministe, à l’historien et même au méthodologiste et épistémologue. Seuls Agnès Fine et Nicolas Adell, ainsi que Sylvie Sagnes et quelques autres (dont André Burguière et Danielle Rives), cherchent à comprendre les raisons de cet oubli.

Le problème majeur est qu’il s’agit d’un auteur « inclassable » et irréductible à un courant idéologique, philosophique ou savant. Sa liberté de pensée en a fait un « passeur de frontières », selon la belle expression de S. Sagnes : « Lacombe se refusait à croire que les sciences forment une géographie de territoires hermétiquement bornés » (p. 377). De fait, aucun cercle politique ou professionnel, universitaire ou savant ne l’a reconnu comme l’un des siens et ne s’est par conséquent chargé d’en conserver la mémoire après sa mort. Il était en outre autant un précurseur qu’un continuateur, comme le note D. Rives, notamment dans ses réflexions sur l’histoire : son recours à la psychologie, son attention à la valeur des individus sans tomber dans l’anecdotique, sa pluridisciplinarité, son attention aux échanges et aux interrelations ainsi que son approche comparatiste furent, trente ans plus tard, les points forts du changement profond que Marc Bloch et Lucien Febvre portèrent dans les études historiques. Mais, selon D. Rives, P. Lacombe n’a pas « franchi la frontière entre théorie et mise en pratique », son œuvre restant plutôt formelle (p. 193), et son livre le plus connu, De l’histoire considérée comme science (1894), qui, d’après Henri Berr, devait représenter le nouveau fondement de l’histoire-science, resta trop théorique aux yeux des historiens des Annales.

Selon N. Adell et S. Sagnes, la responsabilité de H. Berr dans l’oubli de P. Lacombe a été importante et ne peut être négligée. Étant le seul qui ait écrit une sorte de biographie de l’auteur et qui ait eu accès à son journal (disparu par la suite), H. Berr en a présenté seulement l’aspect...

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