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Reviewed by:
  • Durkheim fut-il durkheimien? dir. by Raymond Boudon
  • Francesco Callegaro
Raymond Boudon (dir.) Durkheim fut-il durkheimien? Paris, Armand Colin, 2011, 235 p.

Ce volume est issu d’un colloque célébrant le 150e anniversaire de la naissance d’Émile Durkheim, organisé par cette même Académie des sciences morales et politiques qui lui refusa la place de membre titulaire en 1908 – comme le rappelle dans son avant-propos l’ancien secrétaire de cette institution, Michel Albert. Il rassemble des interventions de sociologues, de juristes, d’historiens, de philosophes et de politologues qui, pour certaines, proposent une vision renouvelée de l’œuvre du maître. S’agissant de dégager la cohérence interne d’un livre qui ne prétend pas en avoir, étant dépourvu d’une introduction rattachant les différentes contributions à une intention commune et structurée, il faut s’en remettre à Raymond Boudon et à son essai conclusif qui peut à bon droit être tenu, par le fait de donner son titre à l’ouvrage, pour une postface programmatique rétrospective.

« Durkheim fut-il durkheimien? » En posant cette question provocatrice1, R. Boudon entendait critiquer une fois de plus l’image convenue d’une pensée, celle du fondateur de l’École française de sociologie, que l’on considère trop souvent comme résolument hostile à toute forme d’individualisme. Or R. Boudon a raison de dire que le débat est stérile tant que l’on n’a pas précisé l’enjeu ni étudié les textes de près. Le problème de l’individualisme en sociologie peut être abordé au moins à trois niveaux d’analyse : ontologique, épistémologique et normatif, selon que l’on s’interroge sur le constituant ultime de la réalité sociale, sur la meilleure manière d’y accéder ou sur son fondement axiologique. Les différentes contributions peuvent ainsi être envisagées comme autant de tentatives pour élaborer une relecture individualiste de la sociologie durkheimienne dans l’une de ces trois perspectives.

Un premier groupe de textes revient sur l’individualisme politique défendu par É. Durkheim et sur sa franche critique de l’individualisme utilitariste, une opposition développée grâce à la distinction, fondamentale dans sa sociologie, entre l’individu, support corporel d’intérêts matériels profanes, et la personne, objet d’une sacralisation collective au sein des sociétés modernes (Hans Joas) et vecteur d’un idéal d’autonomie qui donne vie à des exigences progressives de justice (Steven Lukes et Devyani Prabhat). Une place centrale est accordée, dans ce cadre, à l’intervention d’É. Durkheim lors de l’affaire Dreyfus et à son analyse sociologique de l’antisémitisme (Pierre Birnbaum). L’envisageant comme le symptôme d’une crise sociale, le sociologue français a cherché l’issue de cette dernière dans une réorientation de l’éducation morale fondée sur la valeur de la personne (Philippe Raynaud) et dans une régulation étatique s’inscrivant dans un horizon européen marqué par la progression de la division du travail (Jean Baechler). S’ils prolongent les lectures républicaines dominantes, avec les limites qu’elles comportent, ces textes invitent néanmoins à poser le problème des effets du regard sociologique lorsqu’il traverse l’écran idéologique des valeurs individualistes pour dévoiler leur fondement social. Afin de mieux comprendre le sens des engagements politiques de la sociologie durkheimienne, il faut remonter à ses présupposés épistémologiques et ontologiques.

Au-delà d’une appréciation générale de la portée contemporaine des Règles de la méthode sociologique (François Chazel), l’effort d’une relecture individualiste se focalise, au plan épistémologique, sur une redéfinition des rapports entre sociologie et psychologie. Alors que certains textes affrontent ce problème d’un point de vue historique, soulignant les hésitations et les ambiguïtés d’É. Durkheim dans sa conception de la sociologie comme psychologie sociale (Massimo Borlandi), d’autres s’aventurent sur un terrain plus librement théorique, en analysant les différentes modalités d’interaction entre les niveaux micro et macrosociologiques (Mohamed Cherkaoui).

Toutefois...

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