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Reviewed by:
  • Les origines de la France. Quand les historiens racontaient la nation by Sylvain Venayre
  • Gilles Malandain
Sylvain Venayre Les origines de la France. Quand les historiens racontaient la nation Paris, Éd. du Seuil, 2013, 422 p.

Avec ce nouveau livre, Sylvain Venayre offre une contribution originale à l’histoire de l’historiographie et des usages du passé au XIXe siècle, et alimente la réflexion critique sur la notion d’« identité nationale » ainsi que sur la compétence spécifique que les historiens peuvent exercer en la matière. Autant qu’à l’objet – les discours savants qui « ont cherché dans l’histoire la vérité de la France [et ses] qualités ‘natives’ » (p. 14)–, l’originalité tient aux partis pris de la restitution de « l’enquête » à travers les textes.

Plutôt qu’un exposé systématique, l’auteur assume en effet un « récit » relativement rapide, écrit de manière pédagogique et avec une tonalité personnelle, comme un parcours alerte dans l’histoire intellectuelle de la France post-révolutionnaire. En complément de cette réflexion parfois elliptique mais très sûre et informée des travaux les plus récents et pointus (comme ceux de Claude Blanckaert, de Paule Petitier, de Carole Reynaud-Paligot ou de Nathalie Richard), une copieuse anthologie d’extraits des œuvres analysées donne à lire ou à relire les « maîtres de l’histoire », des romantiques aux fondateurs des Annales, de même que des auteurs plus oubliés tels Louis de Carné, William Edwards ou Auguste Longnon. Avec l’« histoire de l’histoire » strictement épistémologique en toile de fond, on retrouve là les enjeux brûlants, essentiellement politiques, du discours historique, replacés de surcroît dans la nébuleuse des savoirs et des productions théoriques qui se développent au XIXe siècle, avant que les spécialisations et les [End Page 470] cloisonnements disciplinaires ne s’instituent pour de bon.

Bien qu’elle doive beaucoup à la Révolution, la « vaste quête » des origines de la nation ne commence pas avant 1814, année où la Charte constitutionnelle et le livre du comte de Montlosier, De la monarchie française depuis son établissement jusqu’à nos jours, réactualisent le débat entre « systèmes » hérités du XVIIIe siècle. Le « fil d’Ariane » de l’histoire de France reste alors « la lutte entre deux peuples » née de la conquête franque du Ve siècle, mais la fin de l’Ancien Régime renouvelle les perspectives. Dès les premières années de la Restauration, avec Augustin Thierry et François Guizot, l’« école libérale » appelle à fonder une histoire nouvelle entendue comme une généalogie nationale, et non plus dynastique ni strictement nobiliaire. L’intérêt pour les origines, et notamment pour les « temps mérovingiens », s’élargit alors aux Gaulois, les vrais ancêtres du peuple français, comme aux modalités du « mélange des races » fondateur de la nation – car la vision d’un antagonisme indépassable entre Gaulois et Francs est vite abandonnée. En 1828, l’Histoire des Gaulois d’Amédée Thierry, émule de son frère, fonde pour plusieurs décennies la doxa d’une « famille gauloise » brave, intelligente, mais impétueuse et indisciplinée, et elle-même subdivisée en deux branches, les Galls et les Kymris, en fonction d’une « histoire naturelle des races humaines » liée d’emblée à la philologie et promise à un bel avenir au cours du siècle.

La question des origines ne mobilise pourtant pas tous les historiens : elle est clairement secondaire pour l’« école providentialiste », dont l’influence ne doit pas être minorée, de Louis de Bonald et Joseph de Maistre à Charles Maurras en passant par l’érudition légitimiste, qui se retrouve en 1866 dans la Revue des questions historiques. Dans cette tradition, c’est le baptême de Clovis, fondateur d’une France « fille aînée de l’Église », qui fournit le nécessaire point de départ symbolique d’une histoire ancrée dans la longue durée. Du côt...

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