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Reviewed by:
  • Before Orientalism: Asian Peoples and Cultures in European Travel Writing, 1245-1510 by Kim M. Phillips
  • Joan-Pau Rubiés
Kim M. Phillips Before Orientalism: Asian Peoples and Cultures in European Travel Writing, 1245-1510 Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2014, VIII- 314 p.

Ces trente dernières années, les récits de voyage produits par des Européens au Moyen Âge et au début de l’époque moderne n’ont cessé de susciter un intérêt grandissant. De nombreux ouvrages – dont certains aussi fameux que le Devisement du monde de Marco Polo – ont ainsi fait l’objet de nouvelles études et sont aujourd’hui mieux connus. Dans certains cas, ce regain d’intérêt a permis de mettre en lumière de nouveaux éléments. Surtout, ces textes ont été « reconceptualisés » comme contribution à l’histoire culturelle. Les historiens n’y recherchent donc plus des données empiriques sur les conditions de vie dans les pays visités mais tendent à se concentrer sur ce que les textes disent des présupposés intel-lectuels et des procédés rhétoriques des observateurs. Cela est particulièrement vrai s’agissant de l’ethnographie, c’est-à-dire de l’étude descriptive des lois, coutumes et rituels des sociétés. Kim Phillips apporte une contribution substantielle à cette tendance, qui met l’accent sur l’imposant corpus de récits produits dans l’Occident chrétien sur l’Orient (un concept englobant l’Asie centrale sous domination des Mongols, l’« Inde », y compris l’Asie du Sud- [End Page 453] Est, Cathay et Manzi, c’est-à-dire le Nord et le Sud de la Chine, et Cipangu, correspondant au Japon moderne) par différents auteurs : des missionnaires franciscains et dominicains comme Jean du Plan Carpin, Guillaume de Rubrouck, Odoric de Pordenone, Jean de Montecorvino, Jean de Marignol, Ricoldo di Montecroce et Jordan Catala, des marchands voyageurs comme Marco Polo et Nicolò de’ Conti, des ambassadeurs comme Ruy González de Clavijo, des aventuriers comme Ludovico di Verthema ou des auteurs de voyages imaginaires comme Jean de Hese ou l’illustre Jean de Mandeville.

La première partie propose une introduction aux questions conceptuelles que soulève l’étude de la littérature de voyage et inscrit l’ouvrage dans un dialogue avec la démarche postcoloniale d’Edward Said1. L’auteure y examine également les textes de la fin du Moyen Âge et s’interroge sur la façon dont le genre peut être théorisé, en soulignant que la curiosité pouvait alors avoir une connotation positive et en notant l’émergence d’une nouvelle idée de l’Europe qui va progressivement remplacer le concept de chrétienté comme déterminant fondamental de l’identité européenne. La seconde partie analyse de manière plus approfondie quelques-uns des thèmes essentiels de la nouvelle histoire culturelle : la nourriture, les femmes, la sexualité, la courtoisie et les corps. Si certains chapitres, voire certains passages, ont déjà été publiés (parfois dans des versions différentes), la majorité d’entre eux est complètement inédite.

La seconde partie fait l’originalité de l’ouvrage, puisque l’examen thématique proposé a rarement été entrepris de manière systématique en relation avec l’ensemble du corpus disponible des travaux ethnographiques consacrés à l’Orient à la fin de la période médiévale. Au contraire, la première partie a tendance à se référer à des positions qui sont devenues dominantes dans la recherche historique récente. L’argument central de l’ouvrage – à savoir que l’analyse d’E. Said, qui tente de lier les images déformées de l’Orient à la volonté impérialiste ou coloniale de l’Occident, est difficilement applicable à des périodes plus anciennes au cours desquelles les Européens ne jouissaient pas d’une position dominante en Asie – est aujourd’hui extrêmement courant et a souvent été mis en avant à propos des récits ethnographiques de la fin du Moyen Âge sur l’Asie. La conceptualisation flexible du genre du récit de voyage, la reconnaissance d’un corpus important d’œuvres ethnographiques de la...

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