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  • Pourquoi étudier le Moyen Âge? Les médiévistes face aux usages sociaux du passé dir. by Didier Méhu, Néri de Barros Almeida et Marcelo Cândido da Silva
  • Antoine Destemberg
Didier Méhu, Néri de Barros Almeida et Marcelo Cândido da Silva (dir.) Pourquoi étudier le Moyen Âge? Les médiévistes face aux usages sociaux du passé Paris, Publication de la Sorbonne, 2012, 260 p.

Issu d’un colloque organisé en 2008 à l’université de São Paulo, ce livre constitue une nouvelle contribution à l’entreprise de réflexivité dans laquelle la médiévistique s’est engagée – non sans inquiétude – depuis quelques années1. L’originalité du présent ouvrage réside dans sa volonté d’offrir une discussion transcontinentale à un questionnement devenu particulièrement vif dans les sciences historiques [End Page 448] allemande et française. Cependant, de l’aveu des éditeurs, la sollicitation de médiévistes représentant des pays où la discipline est parfois jeune et moins traditionnellement ancrée dans le système scientifique n’a pas eu le résultat escompté. Il en résulte un dialogue essentiellement franco-brésilien, auquel viennent s’adjoindre les contributions de Gadi Algazi, Jérôme Baschet et Didier Méhu, dont l’activité se déroule, au moins partiellement, en Israël, au Mexique et au Québec.

À partir d’un triple diagnostic, parfois contradictoire, sur la place du Moyen Âge dans notre société, les auteurs ont été invités à s’interroger sur le bien-fondé de conduire, aujourd’hui, des études médiévales. Cette période historique fait l’objet d’une forte demande sociale, comme le prouvent les appropriations de thèmes médiévaux par le cinéma, les spectacles historiques, les fêtes médiévales et les jeux de rôle. Mais le développement de ce marché du Moyen Âge s’accomplit dans un contexte scientifique où la remise en cause de la pertinence des études médiévales au sein des systèmes académiques n’a probablement jamais été aussi vive. Sommés de se justifier devant l’opinion, les financeurs et les évaluateurs, les médiévistes sont parfois conduits à adopter l’argumentaire attendu et utilitariste faisant des études médiévales un moyen de mettre en lumière les « racines » de la civilisation occidentale.

Cette posture, cette « relation d’identification » (J. Baschet, p. 216) entre nous et le Moyen Âge, amène alors à produire un discours de légitimation de la médiévistique s’appliquant – tant bien que mal – à résorber deux grandes lignes de fracture avec les attendus du « présentisme » ambiant. L’une est de nature chronologique : l’éloignement du Moyen Âge n’est surmonté qu’en invoquant soit la continuité historique jusqu’à nous, soit, au contraire, son altérité absolue. L’autre – principalement du point de vue américain – est de nature géographique et nécessite d’invoquer des filiations historiques entre l’Europe et le Nouveau Monde, aboutissant au ralliement identitaire à un discours profondément eurocentré (Marcelo Cândido da Silva).

Adoptant un schéma de resserrement progressif du champ d’observation, le livre propose dix contributions réparties selon trois axes de réflexion. Le premier axe interroge la possibilité, pour les médiévistes, de répondre à la demande sociale tout en rompant avec les présupposés utilitaristes ou en s’abstenant de nourrir des desseins idéologiques éloignés des exigences proprement scientifiques. Le deuxième axe conduit Néri de Barros Almeida et Eliana Magnani à questionner la place des études médiévales au sein des structures académiques et du cadre scientifique des sciences sociales. Enfin, le troisième axe consiste davantage à interroger les contours spécifiques de la période médiévale au sein de la discipline historique. Suffisamment rares pour être soulignés, ces actes témoignent du véritable dialogue qui s’est noué lors de la rencontre et qui résulte notamment d’un « soubassement historiographique » (p. 8) commun à la plupart des contributeurs : les réflexions d’Alain Guerreau, mais aussi celles de Joseph Morsel...

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