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Reviewed by:
  • Archéologie, science humaine. Entretiens avec Anne Lehoërff by Jean Guilaine
  • Stéphane Bourdin
Jean Guilaine Archéologie, science humaine. Entretiens avec Anne Lehoërff Arles/Paris, Actes Sud/Errance, 2011, 237 p.

Jean Guilaine est devenu, au cours de sa longue et riche carrière, l’un des plus éminents spécialistes français du Néolithique et de l’âge du Bronze autour de la Méditerranée et en Europe continentale. Dans cet ouvrage constitué à partir d’une série d’entretiens avec Anne Lehoërff, spécialiste reconnue de la protohistoire et de l’archéométallurgie, il livre sa vision du monde de la recherche, de l’évolution de l’archéologie au cours du dernier demi-siècle et, surtout, une réflexion sur un double positionnement : celui de l’archéologie au sein des (autres) sciences humaines et celui de l’archéologue au sein de la société actuelle.

Le livre s’ouvre par un double avant-propos de J. Guilaine, qui se définit comme un « acteur engagé » (p. 9), et d’A. Lehoërff, qui revient sur les circonstances, la méthode et les objectifs de la série d’entretiens. Il est animé d’une réelle volonté didactique et les références ou les sigles sont explicités dans les notes de bas de page. Il est également pourvu d’une liste des principaux ouvrages de J. Guilaine, ainsi que d’une notice présentant de façon synthétique les auteurs et les chercheurs cités dans le texte et reflétant la multidisciplinarité et l’interdisciplinarité chères à l’archéologue.

Le premier chapitre analyse l’image de la discipline et sa place dans la société actuelle, dans l’enseignement, dans les musées, etc. Soulignant la fascination du grand public pour le mystère, J. Guilaine accorde une attention particulière à la qualité de la vulgarisation et de la médiation culturelle, notamment à travers ses ouvrages grand public comme La France d’avant la France1, ses participations à des émissions de télévision ou à des docufictions. Il juge la place de l’archéologie dans l’enseignement insuffisante, dans la mesure où les périodes les plus anciennes, du Paléolithique à l’âge du Fer, qui représentent 98 % de l’histoire de l’homme, ne sont souvent qu’évoquées dans les programmes scolaires. Il revient également sur l’évolution des musées, en s’élevant contre la tendance actuelle à l’esthétisation des pièces, au détriment de la présentation des contextes. L’archéologie, science qui étudie les sociétés passées à travers les vestiges matériels de leur activité, privilégie la présentation des objets dans leur contexte culturel d’origine, et le musée doit demeurer un espace didactique et scientifique.

L’« Itinéraire personnel » de J. Guilaine revient sur les expériences, les rencontres [End Page 443] (Fernand Braudel, André Leroi-Gourhan…) et les occasions qui ont jalonné son itinéraire scientifique. Il donne au passage son sentiment sur l’évolution des institutions auxquelles il a appartenu (Cnrs, Ehess, Collège de France) et sur leur rapport à l’archéologie. Au fil de l’entretien ressort plusieurs fois son attachement à l’étude de l’évolution des sociétés dans la longue durée et sa défense d’une conception « positive » de la protohistoire (du Néolithique au second âge du Fer), conçue comme la première grande phase, pleinement historique, qui voit la naissance du monde rural, des inégalités sociales, du pouvoir et des villes. Cette période historique pour laquelle la documentation écrite est inexistante ou rare conduit les chercheurs à reconstituer un récit en se fondant sur la documentation matérielle.

Ces réflexions sont complétées par deux chapitres épistémologiques sur la définition de la discipline et de son objet d’étude et deux autres qui reviennent sur la place de l’archéologie dans la société française actuelle, à travers notamment la question de sa professionnalisation. L’auteur rappelle notamment que l’archéologie...

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