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Reviewed by:
  • Vivre sur la route. Les nouveaux nomades nord-américains by Célia Forget
  • Hans Jürgen-Greif
Célia Forget, Vivre sur la route. Les nouveaux nomades nord-américains, Montréal, Liber, coll. Carrefours anthropologiques, 2012, 224 p.

En 2001, l’auteure d’origine française, étudiant pendant un an à l’Université de Montréal, aperçoit pour la première fois un étrange véhicule sur la route, aussi grand qu’un autobus. On lui explique que des gens vivent dans ce Recreational Vehicle, ou RV, à longueur d’année ou de façon saisonnière. Forget, qui rêvait justement de changement, de grands espaces, d’ailleurs, ne pouvait pas prévoir qu’une douzaine d’années plus tard, plus de six millions d’adeptes de ce mode de vie allaient peupler les routes de l’Amérique du Nord. Elle ignorait également que, du côté de la littérature, des chercheurs se posaient les mêmes questions qu’elle : pourquoi ce nomadisme ? De quel désir est-il né ? De quelle manière est-il vécu, et quels sont les lieux de rassemblement préférés ? (Pour mémoire, je rappelle que Jean Morency a publié une importante série d’essais où il questionne les textes fondateurs de la littérature américaine sur les origines de ce genre de nomadisme, dans La littérature québécoise dans le contexte américain. Études et explorations, Québec, Nota bene, 2012.)

Anthropologue, Forget vivra pendant trois ans sur la route. Elle va interviewer 168 témoins, sera accueillie pendant deux mois par Byron, un divorcé de 63 ans, dans son RV. Une première image du profil des full-timers (ceux qui vivent à plein temps sur la route) commence à se dessiner. Ils sont majoritairement retraités et ont été adeptes du camping. Souvent, une grave maladie ou un événement perturbant ont fait basculer leur existence. D’autres fuient le mode de vie américain, celui de la surconsommation, du gaspillage d’argent. Ils valorisent le temps en en acquérant une notion aiguë. Ils se consacrent à la liberté de mouvement et à leur indépendance sociale. D’autres, des Québécois et des Ontariens surtout, fuient les hivers, trop longs, trop froids. Mais cette liberté a un prix, celui de se départir de ses biens ou de les entreposer pendant longtemps car, tôt ou tard, la santé décline et il faut abandonner ce rêve de liberté. D’ici là, puisqu’ils portent à longueur d’année des vêtements d’été, ils ont l’impression de ne plus vieillir. Lors de ses entrevues, Forget a constaté qu’entamer une nouvelle existence se fait souvent sans heurt. Quand ils partent à l’aventure, les RVers n’accordent même plus un regard à leur ancienne maison. Cette attitude bouscule complètement la relation européenne avec le sol, où l’individu est profondément attaché à sa terre ou à sa ville, alors qu’en Amérique du Nord, avec sa tradition de déplacement dans l’espace, de conquête de terres inconnues (comme celles de l’Ouest), l’attachement à un lieu est ténu comme le prouvent les fermiers qui abandonnent leur entreprise si le sol ne se montre pas à la hauteur de leurs attentes : d’autres, meilleures, les attendent ailleurs. [End Page 541] Ainsi, aux États-Unis, une famille sur douze possède un RV, et une sur sept au Canada. Il se peut que ces véhicules soient les descendants des « chariots » (covered wagons) des pionniers. Seulement, ils sont, selon leur prix qui peut dépasser un million de dollars, confortables à souhait. Ainsi, les caravanes à sellette disposent, une fois au repos, de quatre extensions afin de permettre une plus grande mobilité des occupants à l’intérieur. Pour les saisonniers québécois, qui partent pour six mois en Floride ou pour le désert, il existe des emplacements dans des parcs paysagés où chaque véhicule dispose d’un plein « hook-up » (eau, électricité, tout-à-l’égout), qui coûte de 30 à 80 $ par nuit. Dans ces villes mobiles, avec leurs rues, l...

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