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Reviewed by:
  • Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera. Essai documentaire by Bernard Gilbert
  • Mariel O’neill-Karch
Bernard Gilbert, Le Ring de Robert Lepage. Une aventure scénique au Metropolitan Opera. Essai documentaire, Québec, L’instant même, 2013, 284 p. 39,95$

Dans l’œuvre magistrale Music at the Limits (2008), qui n’a pas encore été traduite en français, Edward Said souligne le fait que rendre compte d’une production musicale requiert une double connaissance, celle de l’œuvre elle-même ainsi que celle de ses diverses interprétations. Si [End Page 503] le premier chapitre de l’essai-journal de Bernard Gilbert situe l’œuvre grandiose de Wagner dans un cadre historique, en donnant les sources, la chronologie de sa partition, et en soulignant l’originalité du matériau sonore, le but de l’auteur n’est pas de faire une étude comparative des diverses mises en scène, ce qu’il préfère laisser à d’autres. Bernard Gilbert, directeur de production de L’anneau du Nibelung de Wagner au Metropolitan Opera de New York, a choisi plutôt de documenter le processus de création de Robert Lepage et de son équipe : « Pendant sept ans, de l’acceptation de la proposition du Met par Robert Lepage, au printemps 2005, jusqu’à la présentation du cycle complet en mai 2012, j’ai été en lien continu avec les membres de l’équipe Ex Machina et avec des dizaines de personnes du Met. Je me suis donné comme devoir de tenir un journal qui suivrait de près toutes les étapes de la création de ce Ring. »

Les chapitres alternent entre présentation des faits, des réflexions sur la production et une description assez technique des interactions entre les divers créateurs et Robert Lepage, fondée sur des notes de réunion, des pages de journal et quantité de courriels montrant à quel point tous les membres de l’équipe étaient impliqués. Le but de Bernard Gilbert, c’est d’« amener les gens à l’intérieur du projet et leur permettre de voir au quotidien comment une équipe de concepteurs, une équipe de production, des techniciens réfléchissent, testent, expérimentent, explorent, valident, développent et reviennent en arrière. Je traite de toutes les démarches, les tâtonnements. Reculer, ce n’est pas une option. C’est comme si le train était tiré par deux locomotives, d’une part Lepage et Ex Machina et le Met de l’autre ». Il s’agit d’une très rare occasion de démystifier le travail des créateurs, que ce soit le travail sur le texte et la musique, la conception des décors et des costumes, les répétitions et les représentations devant le public. Le chapitre le plus engageant de ce cahier de bord, intitulé « Notre Ring », se penche sur « l’univers spatial, géographique, cosmologique » de l’œuvre dont l’élaboration s’est étendue sur plusieurs années. Ce qui frappe surtout, ce sont les ajouts pantomimiques, sur les quatre préludes instrumentaux, uniques à cette production et typiques de Lepage.

Le cycle des quatre opéras de L’anneau du Nibelung – L’or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried et Le crépuscule des dieux – est la production la plus coûteuse jamais montée par la Metropolitan Opera. Une partie importante du total de 16 millions de dollars (US) a été consacrée à un complexe décor technologique unique – une machine de 24 pales amovibles – capable de produire la magie scénique que l’on associe à Lepage. Certains des critiques newyorkais de la tétralogie, ainsi que les inconditionnels de Wagner « comme on l’a toujours monté », concluent que le spectacle conçu par Lepage, c’est plus du « showbusiness » que du Wagner. Pourtant, on associe Wagner, comme Lepage d’ailleurs, à une sublime démesure [End Page 504] et c’est justement comment cette démesure se construit et se traduit scéniquement que cet essai tente de démontrer. Si l’ouvrage ressemble parfois à une sorte d’apologie du travail de Lepage, Bernard Gilbert n’en perd pas...

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