In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Digressions by Robert Lévesque
  • Eric Chevrette
Robert Lévesque, Digressions, Montréal, Boréal, coll. Papiers collés, 2013, 183 p., 22,95$

Sixième ouvrage de Robert Lévesque dans la collection Papiers collés, l’essai Digressions s’inscrit à la suite de Déraillements, son prédécesseur publié en 2011. Dans son livre précédent, Lévesque proposait des anecdotes littéraires, artistiques et historiques (un brin analytiques) touchant au chemin de fer; si l’anecdote demeure la matière première de Digressions, il mentionne ici des artistes marquants ou qui l’ont marqué avec une voix plus affirmée et plus personnelle.

Composé de vingt textes de longueur variable, le livre de l’essayiste, chroniqueur et critique « bougon et malicieux » fait ce qu’il annonce et annonce ce qu’il fait : tout en digressions, ce recueil d’essais ne craint pas la promenade discursive par des références (nombreuses et récurrentes) à Beckett, Rimbaud, Truffaut, Buñuel, et d’autres. Le recueil s’ouvre sur un premier essai mi-récit sur Louis-Ferdinand Céline, mi-hommage à l’incipit de Voyage au bout de la nuit. Lévesque lance d’ailleurs d’entrée de jeu : « Comment commence-t-on un livre? Au fait, ça commence ou ça démarre, l’écriture d’un bouquin? Peut-être que ça pourrait débuter? » Le parallèle avec le « Ça a commencé comme ça » célinien est évident. Une fois ce préambule historique fermé (mais on sent bien que le docteur Destouches reviendra…), Lévesque expliquera autant qu’il exposera la genèse de ses propres Digressions. Ce premier texte a tout de la forme classique (celle de Montaigne) : avec des références littéraires, des parallèles artistiques, et des détours philosophiques, Lévesque s’approprie l’allure [End Page 488] poétique, à sauts et à gambades (l’expression est d’ailleurs utilisée en quatrième de couverture) pour tenter « d’être le plumitif de [ses] coq-à-l’âne nés de [ses] contacts avec les nids-de-poule », troquant la bucolique campagne bordelaise pour les rues trouées de Montréal… Bref, le ton essayistique et méditatif est donné d’entrée de jeu et restera présent tout au long du livre.

On retrouve ensuite un texte faisant une nécrologie artistique de l’année 2012, année d’écriture du livre (« Île »), et un autre portant sur la mémoire (« Oubli ») qui sera l’occasion d’une nomenclature de Robert célèbres. Avec « Sac », l’un des deux textes du livre ayant connu une première publication sous une forme différente, Lévesque propose un objet à la forme déroutante, qu’il avouera en clausule avoir confié au hasard après avoir découpé le tout en quatorze fragments mis dans un sac puis tirés et laissés dans cet ordre – sans doute un hommage au maître de l’absurde Beckett sur lequel porte le texte, autant qu’un clin d’œil à Perec et aux contraintes oulipiennes.

Certains critiques ont prétendu que Lévesque avançait en zigzaguant; si d’un chapitre à l’autre et parfois même d’un paragraphe à l’autre, les sujets peuvent zigzaguer (souvenirs d’enfance, souvenirs périnataux même, souvenirs de lecture, anecdotes historiques…), les évocations littéraires, filmiques et artistiques viennent former un tressage qui rend ces textes interdépendants (il serait alors sans doute plus approprié de parler de chapitres). L’image de la boucle semble plus juste que celle du zigzag : nombreuses sont les figures récurrentes (Beckett, Céline, Rauschenberg, Rimbaud…), les œuvres aussi (L’ange exterminateur de Buñuel, Suicide d’Édouard Levé…), agissant comme autant de balises historiques et réflexives sur le sentier digressif qu’il nous propose d’arpenter. À certains égards, un tel procédé pourrait paraître redondant, et même si on en vient par moment à perdre la voix de l’essayiste derrière les nombreuses anecdotes qu’il nous présente, aussi savoureuses soient-elles, ces rappels confèrent une certaine unité à un livre aux allures disparates.

Cela étant dit...

pdf

Share