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  • Philippe Aubert de Gaspé mémorialiste dir. by de Marc André Bernier et Claude La Charité
  • Renald Bérubé
Philippe Aubert de Gaspé mémorialiste, s. la dir. de Marc André Bernier et Claude La Charité, Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. Cultures québécoises, 2009, 242 p., 35,95$

Philippe Aubert de Gaspé, père (1786-1871) a fait paraître, vers la fin de ses ans, deux livres, les deux seuls édités de son vivant, qui ont assuré sa réputation en littérature québécoise. (Un troisième, recueil de récits intitulé Divers, paraîtra en 1893, plus de vingt ans après sa mort.) Deux livres qui, chacun à sa manière, la romanesque et la mémorialiste, font appel aux jeux, aléas et autres ruses de la mémoire : Les Anciens Canadiens, roman (1863), et ses Mémoires (1866). On voit déjà comment les « anciens » de l’intitulé du roman sont de la parenté rapprochée du travail de souvenance du mémorialiste.

Déjà (encore), les dates qui enchâssent la vie du seigneur Aubert de Gaspé – car seigneur il fut avant qu’une autre date ne lui dénie ce titre – contiennent un discours historien dont l’auteur des Mémoires (« Relation écrite qu’une personne fait des événements auxquels elle a participé ou dont elle a été témoin », selon la définition de ce genre par Le Petit Robert) avait certainement tout à la fois connaissance et conscience, quitte à donner le change : lui, descendant des seigneurs de Saint-Jean-Port-Joli du Régime français, lui qui fut bercé par les récits de ces Canadiens anciens ou d’origine, Canadiens de lignée aristocratique par leur fonction, il n’allait pas vivre selon ces données. Car l’an 1760 de la Conquête était déjà intervenu, le Régime était passé de français à anglais. Puis 1854 allait aussi advenir, qui signait, d’un point de vue législatif, la fin du régime [End Page 469] seigneurial. Élevé dans le souvenir du Régime auquel le Traité de Paris mit fin en 1763, ayant grandi dans les ans premiers du Régime à domination anglaise, Philippe Aubert de Gaspé aura habité – mais sur la clôture ou la corde raide – deux mondes, celui du Seigneur puis celui du Vaincu ; sauf qu’en son cas, Vaincu qu’il était, mais toujours partie prenante de la caste aristocratique, il demeurait – voulait demeurer – bien proche de la nouvelle caste gouvernante. Comment donc choisir ? Déchirements et oublis volontaires.

D’autant plus que le descendant de seigneurs, avocat de formation alors que les usages judiciaires français et anglais tentent de s’accorder, connaîtra à la fois l’endroit et l’envers de l’univers juridique. Selon la formule de Pascal Bastien, « toute sa vie est portée par l’univers juridique : d’abord au barreau puis, on se plaît à le rappeler, derrière les barreaux ». Très en vue dans la vie sociale de la capitale dès 1804, il devient shérif du district de Québec en 1816. Trouvé coupable d’un important détournement de fonds qu’il se révèle incapable de rembourser, il est démis de sa fonction en 1822 et se réfugie alors chez sa mère au manoir de la seigneurie de Saint-Jean-Port-Joli. C’est là, dans la crainte toujours présente de poursuites en justice, qu’il vivra de 1822 à 1838, date à laquelle il sera condamné à la prison « pour dettes ».

Liberté lui sera rendue en 1841. Le séjour au manoir materno-seigneurial aura été le moment, entre autres, d’une réalisation fort importante : avec son fils (1814-1841) du même nom que lui-même, fils qui visait alors à faire oublier que, journaliste irrité, il avait, en 1836, versé de l’assa-fœtida à l’Assemblée pour se venger d’un député (Edmund Bailey O’Callaghan) – avec ce fils qui lui aussi craignait alors des poursuites, il écrivit L’influence d’un livre (que l’abbé Casgrain réintitulera Le...

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