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  • Entre plaisir et pouvoir. Lectures contemporaines de l’érotisme dir. by de Lori Saint-Martin, Rosemarie Fournier-Guillemette et Marie-Noëlle Huet
  • Gaëtan Brulotte
Entre plaisir et pouvoir. Lectures contemporaines de l’érotisme, s. la dir. de Lori Saint-Martin, Rosemarie Fournier-Guillemette et Marie-Noëlle Huet, Québec, Nota bene, coll. Séminaires, 2012, 277 p., 21,95$

Cet ouvrage collectif codirigé par Lori Saint-Martin, Rosemarie Fournier-Guillemette et Marie-Noëlle Huet comporte une dizaine de chapitres qui offrent un regard diversifié, mais surtout féminin et féministe, sur des aspects de la littérature dite érotique d’aujourd’hui. Lori Saint-Martin en résume très bien les enjeux dans son introduction claire et précise. Les articles ici proviennent de communications d’un colloque étudiant organisé à l’UQÀM en 2010. L’approche féministe inspirée de théoriciennes comme Kate Millett, Anne-Marie Dardigna, Judith Butler et Angela Carter (qui commencent cependant à dater par rapport au corpus étudié) reprend l’idée que la littérature érotique canonique investit à l’extrême des stéréotypes du masculin et du féminin (sujet-objet, bourreau-victime, dominant-dominée, actif-passif) et réduit la femme au statut d’objet quand elle ne la met pas à mort d’une manière symbolique ou réelle. Nombre d’analyses de cet ouvrage voudraient dépasser ces schémas mortifères et en finir avec une représentation de la femme comme instrument de la jouissance masculine, pour valoriser la femme comme un sujet qui parle, pense, voit, agit et désire. Une autre dimension qu’abordent ces études, et qui est liée à l’approche féministe, est la relation du plaisir au [End Page 448] pouvoir. On y cherche à voir si ce lien est nécessaire, arbitraire, malsain ou excitant.

La diversité de l’ouvrage est d’emblée impressionnante puisque les auteurs contemporains abordés, qui viennent du Québec, d’Allemagne, de France, des États-Unis et du Japon, ont produit des œuvres appartenant à des orientations sexuelles variées et relevant de productions populaires autant que de textes classiques. Les analyses font une grande place aux écrits de femmes, ce qui est tout à fait justifié puisque ces dernières se sont approprié massivement au cours des trente dernières années un genre traditionnellement pratiqué surtout par les hommes dans l’histoire.

La structure du recueil en quatre parties – « Formes », « Marges », « Marques » et « Chair » – vise à multiplier les croisements et les rencontres. « Formes » regroupe trois articles consacrés à des questions d’organisation textuelle. Agathe Muller analyse le célèbre couple âgé de La clef de Tanizaki (1956) sous l’angle d’une double perversion morale (le mari pimente sa vie conjugale en y insérant un tiers, ce qui finit par la rendre fort libertine) et formelle (le journal intime du mari et de sa femme devient une sorte de correspondance voilée où chacun s’adresse à l’autre et lit l’autre sans jamais l’avouer). Tanizaki ici subvertit les rôles et les rapports de force habituellement rencontrés dans les textes érotiques en faisant planer une ambiguïté sur les stéréotypes. L’homme est un pervers impuissant qui érotise la jalousie en masochiste. Tantôt fatale, tantôt soumise, la femme, elle, y devient active et puissante. De nymphe pudique elle se transforme en « maricide ». Ce roman intéresse les féministes parce qu’elles y voient un renversement du modèle phallique dominant, même si l’imaginaire sexuel ne réussit pas à échapper à la cruauté et à la pulsion de mort.

Marie-Noëlle Huet s’intéresse au dispositif énonciatif (épistolaire) dans La femme de papier (1989), le roman classique de Françoise Rey qui décrit les aventures d’une héroïne en compagnie de son amant au fil de scènes sexuelles variées et complexes. La perspective du regard a aussi interpelé la chercheuse, car elle est ici modifiée et n’est plus exclusivement masculine: la femme y regarde l’homme et les amants se regardent mutuellement. Le roman met en valeur...

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