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Reviewed by:
  • L’Amérique selon Sartre. Littérature, philosophie, politique by Yan Hamel
  • Patrick Bergeron
Yan Hamel, L’Amérique selon Sartre. Littérature, philosophie, politique, Montréal, Presses universitaires de Montréal, coll. (Espace littéraire), 2013, 270 p., 34,95$

Professeur de littérature à la TÉLUQ, Yan Hamel est aussi un chercheur actif au sein des études sur Sartre. Il a présidé la North American Sartre Society et il est membre du Groupe d’études sartriennes (Paris). Il a consacré à l’écrivain philosophe différents articles parus aux « Cahiers de [End Page 445] l’Herne », dans Travaux de littérature et même dans Les Temps modernes (la célèbre revue fondée par Sartre et Beauvoir). C’est également lui qui a coordonné le dossier « Jean-Paul Sartre, la littérature en partage » pour la revue Études françaises en 2013. L’Amérique selon Sartre est sa deuxième monographie. La première, La bataille des mémoires : la Seconde Guerre mondiale et le roman français(PUM, 2007), émanait de sa thèse de doctorat.

Sa vie durant, Sartre a témoigné un intérêt durable pour les États-Unis. Yan Hamel retrouve les traces de cette curiosité aussi loin qu’à l’époque de la petite enfance, décrite dans Les mots (1964), lorsque « Poulou » dévorait les aventures de Nick Carter et de Buffalo Bill. Mais cette américanophilie juvénile n’empêcha pas l’apparition d’un positionnement qui semblerait plus tard nettement antiaméricain, par exemple après l’exécution des époux Rosenberg ou lors de la participation des États-Unis à la guerre du Vietnam. L’usage du conditionnel {semblerait) est de mise, car Hamel prend soin de démontrer dans son introduction que les accusations d’antiaméricanisme pesant sur Sartre manquent de fondement et ne font qu’alimenter un autre antagonisme : « l’antisartrisme ». Une lecture systématique de ce que l’œuvre sartrienne dit des États-Unis révèle qu’il n’y a pas, chez Sartre, de manifestation haineuse ou monomaniaque à l’encontre du pays de l’oncle Sam : « [Sartre] ne fut pas plus antiaméricain en 1967 qu’il ne fut antiallemand en 1942, antirusse en 1956 ou antifrançais en 1961. Il s’attaquait aux structures sociales, aux institutions, aux idéologies et aux détenteurs de pouvoir qui créaient, selon lui, les situations d’injustice. » Bref, si les qualificatifs d’antibourgeois, d’anticapitaliste, d’anticolonialiste, d’anti-impérialiste, d’antifasciste ou d’antiraciste s’appliquent à Sartre, Hamel croit que l’étiquette d’antiaméricain est abusif. L’Amérique selon Sartre en fait la démonstration en trois étapes.

La première partie de l’ouvrage rend compte de « l’Amérique désirée » par Sartre, c’est-à-dire les États-Unis rêvés, écoutés (Sartre affectionnait le jazz – souvenons-nous de « Some of These Days », le morceau de ragtime qui fascine Roquentin dans La nausée) ou lus (Sartre fut un lecteur enthousiaste de romans américains : Dos Passos, Faulkner, Caldwell, Wright et consorts). Le désir d’Amérique, souvent tourné vers New York et ses « hauts murs » (c’est-à-dire ses gratte-ciel) ou vers le jazz (« métonymie sartrienne par excellence » de la culture américaine selon Hamel), procè de d’abord de la rêverie activée par le roman d’aventures et est antérieur aux voyages en sol américain. Pour l’essentiel, cette Amérique sous-tend un fantasme antibourgeois et anti-intellectuel. Sartre voit chez le géant d’outre-Atlantique le modèle d’une libération possible par rapport à tout ce que la culture du Vieux Continent a de bourgeois et de sclérosé.

La deuxième partie du livre s’attarde à « l’Amérique connue », c’est-à-dire celle que Sartre a vue de ses yeux et évoquée dans ses récits de [End Page 446] voyage. Hamel situe Sartre par rapport à quelques grands écrivainsvoyageurs qui l’ont précédé, surtout Barrès, Gide et Larbaud, pour dégager les spécificités de son approche textuelle. Ainsi le...

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