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  • Imaginaires de la filiation. Héritage et mélancolie dans la littérature contemporaine des femmes by Evelyne Ledoux-Beaugrand
  • Maïté Snauwert
Evelyne Ledoux-Beaugrand, Imaginaires de la filiation. Héritage et mélancolie dans la littérature contemporaine des femmes, Montréal, XYZ éditeur, coll. Théorie et littérature, 2013, 327 p., 29,95$

Le livre d’Evelyne Ledoux-Beaugrand examine les modalités de la filiation telles qu’elles se donnent à lire dans la littérature contemporaine des femmes, en France et au Québec. L’auteure en dégage un nouveau paradigme : celui de la « mélancolisation du lien » dans les œuvres actuelles, qu’elle définit comme le « processus par lequel filiation et affiliation se créent à partir des ruines et des restes, dans la distance, la disparition et la différence ». L’étude repose sur le postulat initial que la seconde vague du féminisme a privilégié, dans les années 1970 et 1980, un mode d’appartenance horizontal : le modèle d’une communauté sororale faisant table rase du passé pour réinventer l’identité féminine hors de la loi du père. Depuis les années 1990 au contraire, propose Ledoux-Beaugrand, une nouvelle génération d’auteures cherche à redonner à la transmission sa verticalité, à renouer avec son ascendance jusque dans ses failles et ses manquements, à réinvestir sa place dans la généalogie. À travers des récits autobiographiques ou des fictions familiales évoquant parents, grands-parents ou ancêtres, enfants ou défaut de maternité, ces écrits mettent de l’avant les legs lacunaires de mémoires familiales et parfois historiques problématiques, et pourtant inévitables. Autrement dit, le silence et l’abandon aussi se transmettent, de même que le mensonge et le secret, et les failles et bris de filiation peuvent constituer un héritage. « Génération héritière », le titre de l’introduction, signale ainsi le positionnement de l’auteure, qui, sur le plan littéraire, académique et idéologique, n’a pas le choix de son héritage, mais a celui d’en assumer la responsabilité : ce qu’elle fait à travers la revisite critique que constitue l’essai.

Appuyée sur un corpus d’environ quatre-vingts titres, l’étude en examine de façon plus systématique près d’une vingtaine, principalement issus de France : textes de Christine Angot, Annie Ernaux, Marie Nimier, [End Page 418] Marie Darrieussecq, Lydie Salvayre, entre autres, auxquels s’ajoutent ceux de Nelly Arcan, Ying Chen, Marie-Sissi Labrèche. Les textes choisis le sont pour leur pertinence thématique plutôt que pour leurs qualités littéraires, un parti pris dont l’auteure s’explique en introduction : « C’est par souci de ne pas participer au dialogue sur la valeur littéraire des textes, sur leur littérarité, que les récits ont été choisis en fonction des modalités filiales qu’ils adoptent plutôt qu’à l’aune d’une certaine esthétique ou de la reconnaissance dont ils feraient l’objet. » Cette option s’explique par la préférence donnée à une analyse « de type socio-psychanalytique » qui mêle auteures consacrées et moins confirmées dans le but de dresser le portrait d’époque d’un certain ethos filial : « Les récits que j’ai choisi d’étudier font entendre des voix de filles, même là où ces filles s’emploient à tenir un discours en tant que mères. » La notion de « génération » est ainsi à entendre en un sens culturel et historique, et non biologique ou démographique : comme la désignation d’une ère et d’une posture intellectuelles et artistiques, rassemblant des auteures d’âges divers. L’enjeu visé est de s’opposer aux « discours hantés par la fin du féminisme », dans lesquels « la transmission semble se buter à un refus de reconnaître l’existence de plusieurs niveaux d’altérité », afin de reconnaître dans l’inscription délibérée au sein d’une chaîne de transmission une modalité nouvelle, critique, de l’appartenance politique à la catégorie « femmes », pluralisée et diff...

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