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  • La migration italienne dans la Suisse d’après-guerre ed. by Morena La Barba, Christian Stohr, Michel Oris et Sandro Cattacin
  • Éric Vial
Morena LA BARBA, Christian STOHR, Michel ORIS et Sandro CATTACIN (dir.).– La migration italienne dans la Suisse d’après-guerre, Lausanne, Antipodes, 2013, 390 pages. «Histoire».

Malgré d’importants mais trop rares travaux, au premier chef ceux de Marie-Claude Blanc-Chaléard, l’histoire de l’immigration italienne vue de France semble souvent s’arrêter aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, entre acceptation, intégration et invisibilité. Il y aurait pourtant là un chantier à poursuivre et, comme le rappelle le présent livre collectif, l’exemple de nos voisins suisses y incite fortement: il met en lumière les difficultés rencontrées au moins jusque dans les années 1980 par des migrants venus d’un pays pourtant limitrophe, et que l’on pourrait supposer de même culture, difficultés ignorées ou oubliées mais qui ne devraient pas surprendre si l’on veut bien se souvenir par exemple du film de Franco Brusati, Pain et Chocolat, qui en 1973 parlait du présent.

Les neuf articles composant l’ouvrage font une large place aux représentations et aux analyses de discours, et l’on peut parfois s’irriter d’appareils de références théoriques certes de qualité mais encombrants voire abusifs, entre faire appel à Foucault pour une évidence ou abuser du mot «concept» à la façon d’un publicitaire. Mais on ne peut aussi que saluer la variété des points de vue et des échelles envisagées, de la politique d’État à la microstoria et au vécu des immigrés.

L’introduction, brève, fait en particulier le lien entre la période considérée et un «apprentissage de la xénophobie» supposé typique de l’entre-deux-guerres. Pourtant, plus loin dans le volume, on trouve des références à des violences à la fin du XIXe siècle, assez semblables à celles connues à la même époque en France. Elle fait aussi le lien avec la dernière trentaine d’années, ultérieure au propos. Elle est suivie par une analyse, due à Christian Stohr, de la politique menée de 1945 à la fin des années 1950. Le gouvernement, l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail, ainsi que les offices cantonaux du travail ont une politique de forte rotation de la main-d’œuvre étrangère, vue comme pure variable d’ajustement, d’où une grande précarité; les syndicats approuvent, y voyant la condition de la sécurité des autochtones et dénonçant les migrants alternativement comme des menaces pour la «paix du travail» helvétique ou de dangereux concurrents, des instruments du communisme ou du patronat. Ce dernier semble le seul à souhaiter une stabilisation, [End Page 203] parce que chaque nouvelle embauche a un coût en termes de bureaucratie, mais il converge avec les syndicats contre la liberté de changer de résidence ou contre les promotions au sein de l’entreprise. La loi cède par ailleurs à la pratique et aux opinions, comme le montrent le «double standard» en matière d’établissement et la différence de traitement entre Italiens et Français. Mathias Hirt prend la suite pour les années 1960, marquées par le passage de la rotation systématique aux permis d’établissement (et au regroupement familial à partir de 1964), mais aussi, malgré la «détente» internationale, par la continuité de la guerre froide en matière de politique intérieure. Au centre de son propos, se trouve l’examen de l’attitude des autorités fédérales, entre autres au sein d’une «Commission fédérale pour le problème des étrangers» au nom emblématique. Celles-ci ne veulent dialoguer qu’avec les gouvernements de Rome, démocrates-chrétiens, et surtout pas avec les associations d’immigrés, en particulier les Colonie libere italiane (CLI), structurées à partir de 1943 (les antécédents liés à l’exil antifasciste ne sont pas évoqués) et...

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