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  • Le Droit d’être Suisse. Acquisition, perte et retrait de la nationalité de 1848 à nos jours by Brigitte Studer, Gérald Arlettaz et Regula Argast
  • Sarah Mazouz
Brigitte STUDER, Gérald ARLETTAZ et Regula ARGAST.– Le Droit d’être Suisse. Acquisition, perte et retrait de la nationalité de 1848 à nos jours, Lausanne, Éditions Antipodes, 2013, 260 pages.

Cet ouvrage est la traduction française d’un livre paru en 2008 en allemand (Das Schweizer Bürgerrecht. Erwerb, Verlust, Entzug von 1848 bis zur Gegenwart, Zurich, Neue Zürcher Zeitung). Il vise à «reconstituer la genèse de la politique de naturalisation suisse depuis la création de l’État fédéral jusqu’à nos jours et à en décrire l’application» (p. 8). Les auteurs s’attachent ainsi à mettre en relation formation nationale et politique de la nationalité. L’un des intérêts majeurs de cet ouvrage est de montrer comment les rapports entre les trois échelons cantonal, communal et fédéral ont orienté non seulement la politique de la nationalité mais aussi les formes de politisation de cette question.

Ce livre s’inscrit dans une perspective à la fois foucaldienne et socio-historique. La politique de la nationalité y est ainsi analysée comme une forme de biopolitique. Sa mise en œuvre est conçue comme le résultat d’une série d’interactions entre différents types de discours – scientifiques, politiques, administratifs, juridiques – et différents acteurs sociaux qui forment ce que Michel Foucault désignait par la notion de «dispositif». Enfin, l’ouvrage examine les formes de problématisation de la question de l’incorporation des étrangers. Il propose aussi une socio-histoire des discours sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse depuis 1848 et des pratiques documentées depuis lors. Les auteurs s’appuient sur les travaux de Gérard Noiriel [End Page 194] pour penser que «le souci de donner forme à l’espace national, devenu plus présent depuis la création de l’État fédéral en 1848, a pu influencer les critères présidant à l’acquisition et à la perte de la nationalité suisse» (p. 23). Leurs analyses s’inscrivent également dans une perspective proche des travaux de Dieter Gosewinkel sur la loi allemande de la nationalité comprise comme un instrument d’unification du droit et de centralisation étatique.

Outre une introduction très complète, l’ouvrage se compose de quatre chapitres, d’une conclusion et d’une série très intéressante d’annexes composées d’illustrations, de caricatures, d’articles de journaux et de reproductions de documents administratifs. Le premier chapitre, rédigé par Regula Argast, porte sur la période qui va de la constitution de l’État suisse en 1848 à l’année 1898. L’objectif principal de l’auteure est de montrer que le code de la nationalité suisse ne s’est pas fait à partir de «théories politiques ou ethniques ou nationales» (p. 75), mais qu’il s’est formé à partir des conditions particulières de fonctionnement du jeune État fédéral. Dans cette première phase de construction nationale, l’État fédéral s’ingère peu dans les normes et les procédures de naturalisation. La question de la naturalisation constitue alors un enjeu, principalement pour les cantons et les communes qui se réservent ainsi le monopole d’une définition de l’appartenance à la nation suisse et y voient un élément propice pour renforcer leur pouvoir ou leur marge de manœuvre par rapport à l’État fédéral. Ce chapitre montre très bien comment le droit fédéral n’a pas remplacé le droit cantonal et communal en matière de nationalité, mais qu’il s’y est superposé en produisant un déplacement des contraintes qui pesaient jusque-là sur les hommes suisses, vers les nouveaux naturalisés. Ce chapitre met aussi en évidence les dynamiques d’inclusion et d’exclusion qui se trouvent au cœur du processus de formation nationale. Il donne à voir très clairement la manière dont des pratiques ayant eu cours au niveau cantonal et communal sont transposées aux...

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