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Reviewed by:
  • The Half has never been told. Slavery and the Making of American Capitalism by Edward Baptist
  • Alessandro Stanziani
Edward BAPTIST.– The Half has never been told. Slavery and the Making of American Capitalism, New York, Basic Books, 2014, 498 pages.

Par son objet et par les thèses avancées, cet ouvrage relève d’une tendance historiographique plus large. Tout comme les travaux de Sven Beckert1, de Robin Blackburn2 et de Walter Johnson3 – ces derniers recensés dans ce numéro – cet ouvrage associe l’essor du capitalisme américain à l’esclavage. Il conteste leur séparation, voire opposition, et met en évidence la contribution du système esclavagiste à l’essor capitaliste en termes aussi bien de profits que d’organisation sociale. Suivant l’auteur, l’esclavage n’est pas incompatible avec le capitalisme et s’accommode au contraire parfaitement avec les idéaux et les institutions de la société libérale américaine du XIXe siècle. La hausse de la production de coton entre 1840 et 1860 ne s’explique pas par des changements techniques et une moindre contrainte, mais, au contraire, par le recours à la violence extrême, voire à la torture. L’auteur n’hésite pas à employer ce terme pour décrire le fonctionnement de l’esclavage aux États-Unis d’Amérique.

Cette nouvelle tendance «politiquement correcte» de certains universitaires américains s’attaque à tout un pan de l’historiographique généraliste de leur pays qui minimise le poids de l’esclavage et en exclut la profitabilité. Elle oppose l’esclavage aux véritables idéaux américains. À la différence des autres ouvrages cités, celui de Baptist souhaite contribuer à diffuser cette argumentation au sein d’un public non-universitaire; d’où le recours à un langage familier, parfois ouvertement de rue – certains gros mots accompagnent la description de la violence esclavagiste. Avec cette même ambition, les titres des chapitres n’indiquent pas toujours leur contenu et renvoient à une symbolique corporelle: pieds, têtes, main droite, main gauche, langues, respiration, semences, sang, dos, bras. Parfois il est possible de connecter le titre à une partie du contenu du chapitre: par exemple le chapitre «Pieds» commence par évoquer le problème intéressant du transfert des esclaves enchaînés lors de la progression vers l’Ouest qui aura dès lors peu à voir avec la frontière mythique des Blancs. Le plus souvent, il est en revanche difficile d’accepter telle quelle la relation entre le titre et le contenu. Ainsi, «Main droite» parle du financement de l’esclavage, des entrepreneurs et marchands d’esclaves, tandis que «Main gauche» décrit le travail des esclaves. La main droite (financement) ne donne pas forcément ce que la main gauche (la coercition) enlève, sauf si nous associons le capital et le capitalisme à la liberté. Ce qui est tout le contraire de la thèse principale de cet ouvrage.

L’introduction s’en prend à l’historiographie, souvent à raison, mais de manière assez généraliste et surtout sans citer les travaux ciblés, tandis que les chapitres qui [End Page 177] décrivent la relation entre capitalisme et esclavage s’appuient sur quelques tableaux quantitatifs le plus souvent tirés d’autres ouvrages auxquels l’auteur ajoute des descriptions détaillées de cas de figure. Ces aspects individuels, de microhistoire, confèrent une originalité certaine à cet ouvrage par rapport aux autres travaux mentionnés et permettent effectivement à l’auteur de s’éloigner d’une présentation trop académique. La vivacité de ces tableaux anecdotiques constitue un des points de force de cet ouvrage.

Cependant, les arguments principaux trouvent moins leur justification dans les pages mêmes de cet ouvrage, qu’en se référant aux autres travaux cités et à beaucoup d’autres. La profitabilité de l’esclavage avait été démontrée depuis Time on the Cross de Robert Fogel et Stanley Engerman en 19744, tout comme les relations entre l’économie du Nord et celle du Sud5. De plus, l’ouvrage d’E. Baptist laisse dans l’ombre le contraste majeur entre les régions cotonnières et celles...

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