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  • Le Temps des femmes: textes mémoriels des Lumières ed. by d’Anne Coudreuse et Catriona Seth
  • Mathilde Chollet
Le Temps des femmes: textes mémoriels des Lumières. Sous la direction d’Anne Coudreuse et Catriona Seth. (Rencontres, 92.) Paris: Gallimard, 2014. 303 pp.

Cet ouvrage collectif résulte d’une table ronde ayant eu lieu lors du Congrès des Lumières de Graz en 2011. Treize chercheurs y envisagent un rapport genré au temps, voire même ‘aux’ temps dans les écrits personnels de femmes des Lumières. Pour reprendre la première interrogation de Catriona Seth, ‘comment une femme vit-elle, représente-t-elle et raconte-t-elle le temps?’ (p. 7). Les cas évoqués sont issus d’une Europe aux contours élargis par rapport aux ouvrages ayant pu jusqu’alors évoquer l’écriture féminine. Ainsi, si l’on retrouve encore une fois les classiques Mmes de Genlis, Campan, La Tour Du Pin ou Staël, ce travail est l’occasion de découvrir des auteurs féminins de Grèce, de Portugal ou de Suède. La même ouverture se retrouve dans le choix des chercheurs ayant collaboré à ce recueil. Les contributions de littéraires (Catherine Viollet, Geneviève Haroche-Bouzinac, par exemple), d’historiennes modernistes (Danièle Tosato-Rigo, My Hellsing), d’une chercheuse en études théâtrales (Anna Tabaki), enseignant aussi bien aux Pays-Bas qu’en Allemagne ou en Tunisie sont ici réunies. Plusieurs pistes de réflexion sont ainsi ouvertes. Les pratiques d’écritures, qui reconstruisent le temps, permettent d’analyser la ‘conscience de la temporalité’ (p. 36) de ces écrivantes, à partir des notions de temps ressenti et de temps approprié. La mesure du temps, la maîtrise de son écoulement, les rythmes et la périodisation des temps de l’écriture, l’expression des émotions ressenties autrefois ou l’écriture de — ou se projetant dans — l’avenir participent au travail de mémoire (de soi ou des autres) de ces femmes. Cette expérience subjective du temps passé, passant ou qui passera, permet aux plumes féminines d’établir un parallèle entre temps personnel et temps de l’histoire: la pérennité de l’écrit est mobilisée afin d’exorciser la fragilité de l’individu. Les douze contributions sont regroupées en six parties. L’on peut regretter cette division peu justifiée, [End Page 534] aux thématiques floues, séparant des contributions qui se répondent pourtant. On aurait pu, par exemple, créer des liens entre les réflexions d’Henri Rossi, Anne Coudreuse et Vanda Anastácio, qui font ressortir l’importance de la postérité dans l’écriture de soi; ou entre celles de Philippe Lejeune, Souad Bouhouch et Suzan van Dijk, qui mettent en évidence que pour ces femmes, le temps de l’écriture est celui de la valorisation de soi. Néanmoins, l’appareil critique est aussi précis que peut l’être celui d’un ouvrage collectif. Les notes de bas de page sont propres à chaque auteur. Une bibliographie générale reprenant les sources envisagées et les études liées est accompagnée d’un index des noms propres. De même, saluons l’ouverture de ce collectif à la transdisciplinarité, absolument nécessaire pour appréhender les formes et pratiques de l’écriture personnelle. Enfin, un autre grand intérêt du livre consiste en sa dimension européenne. L’on ne peut que souhaiter un développement de ces études croisant les méthodes et ouvertes aux cas moins renommés, mais sans doute plus représentatifs de la réalité de l’écriture personnelle féminine au dix-huitième siècle.

Mathilde Chollet
Université du Maine
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