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  • Une Muse savante? Poésie et savoir, du ‘Roman de la Rose’ jusqu’aux grands rhétoriqueurs by Adrian Armstrong et Sarah Kay
  • Philippe Frieden
Adrian Armstrong et Sarah Kay, Une Muse savante? Poésie et savoir, du ‘Roman de la Rose’ jusqu’aux grands rhétoriqueurs. Traduction de Roxane Feunette. (Recherches littéraires médiévales, 16.) Paris: Classiques Garnier, 2014. 327 pp., ill.

La traduction du livre de Sarah Kay et Adrian Armstrong se doit d’être saluée en ce qu’elle offre à un public francophone l’accès à une réflexion innovante sur une question souvent mal posée, voire totalement ignorée. (Pour le compte-rendu de l’ouvrage original, [End Page 520] Knowing Poetry: Verse in Medieval France from the ‘Rose’ to the ‘Rhétoriqueurs’ (Ithaca, NY: Cornell University Press, 2011), voir French Studies, 66 (2012), 389.) En deux parties de trois chapitres chacune, cet ouvrage explore les nouveaux lieux d’investissement du savoir et du vers (mystères, histoire, philosophie, etc.) ainsi que les différents types de savoir qui, dans la période considérée, ont privilégié une écriture versifiée (savoirs référentiel, textuel et idéologique). L’intérêt premier de cette investigation est double: non seulement elle corrige une idée largement reçue qui voudrait que la prose, dès le treizième siècle, l’emporte globalement sur le vers, alors qu’on assiste plus justement à un repositionnement des domaines de prédilection du vers et de la prose; mais surtout, les auteurs éclairent subtilement en quoi l’usage du vers façonne un autre savoir, ou plutôt promeut une nouvelle transmission du savoir qui insiste précisément sur le processus d’acquisition plutôt que sur le contenu du savoir. Ainsi, dans les domaines de l’histoire et de l’encyclopédie, la nature nécessairement plus subjective du vers, toujours davantage lié à une performance, vise un savoir partiel au lieu d’une totalité que la prose au contraire revendique implicitement. Ailleurs, c’est une réflexion métapoétique à laquelle introduit l’usage du vers, en particulier lorsque, à l’instar des textes à insertions lyriques ou des prosimètres, un mélange est exhibé (lyrique/narratif, vers/prose) qui oblige à repenser les catégories génériques l’une par rapport à l’autre. Enfin, l’usage du vers délimite un certain public, unifié soit par une incompréhension commune, soit par un savoir partagé, voire exigé. Même si cette étude ne pouvait pas prendre en compte, de façon systématique, ce qui se développait dans le même temps en prose, sur certains points — celui de l’encyclopédie, par exemple — une approche parallèle aurait peut-être eu le mérite de ne pas laisser le lecteur avec une impression trop schématique de l’évolution et des spécificités dans ce domaine. Ainsi, la subjectivité à l’œuvre dans les poèmes encyclopédiques envisagés suggère a contrario une objectivité privilégiée par la prose, alors même que cette dernière demeure toujours le fait d’un auteur singulier. Dans cette mesure, la création d’une totalisation objective du savoir relève davantage d’un parti pris rhétorique et d’une mise en scène de longue haleine. Pour terminer, il faut ajouter quelques remarques sur la traduction qui est ici offerte. On regrettera tout d’abord que la numérotation des chapitres disparaisse inexplicablement dans cette version. On déplorera ensuite et surtout que la traduction n’ait été relue qu’approximativement, laissant passer nombre de tournures peu idiomatiques et parfois quelques curieux anglicismes. Il n’en reste pas moins que l’entreprise est à saluer pour l’accès qu’elle offre désormais à un ouvrage incontournable.

Philippe Frieden
Université de Genève
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