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  • Guizot: la traversée d’un siècle by Laurent Theis
  • Edward Ousselin
Guizot: la traversée d’un siècle. Par Laurent Theis. Paris: CNRS Éditions, 2014. 198 pp., ill.

Laurent Theis a publié une biographie (Paris: Fayard, 2008) de François Guizot (1787–1874) et une édition de son Histoire de la Révolution d’Angleterre (Paris: Laffont, 1997). Les dix articles réunis dans La Traversée d’un siècle retracent certains aspects de la vie publique (le jeune journaliste, l’historien autrefois célèbre, le ministre longtemps influent) et privée (ses mariages, ses enfants, son protestantisme) de Guizot, qui reste à tort ou à raison plus connu de nos jours pour une formule rhétorique, d’ailleurs d’origine douteuse — ‘Enrichissez-vous par le travail et l’épargne’ — que pour sa réforme de l’Instruction publique en 1833 ou pour son rôle dans l’instauration de la première ‘Entente cordiale’ avec la Grande-Bretagne. Cependant, si certains ont fait de Guizot un des grands penseurs du libéralisme français, qui aurait été comparable à Benjamin Constant ou à Tocqueville, ce livre dessine plutôt le portrait d’un ‘intellectuel’ (pour user d’un anachronisme) talentueux et polyvalent et d’un homme politique rigoureux et efficace. Comme Constant, Guizot a partiellement infléchi ses convictions protestantes en fonction des réalités politiques de l’époque, ainsi que des besoins de sa carrière: ‘Guizot, à plusieurs reprises, s’est défini, et même revendiqué, comme “chrétien, protestant et libéral”, dans l’ordre’ (p. 143). Contrairement à Constant, Guizot n’a pas cherché à prolonger sa carrière politique tout au long de sa vie: ‘Si Guizot, après l’avènement du Second Empire, ne cessa jamais de s’intéresser à la politique, il n’en est plus acteur. Il se consacre à son œuvre d’historien et de mémorialiste, et aussi aux affaires de l’Église réformée’ (p. 65). Theis consacre un article, comme il se doit, à l’importance des réalisations de Guizot lorsqu’il fut ministre de l’Instruction publique. La loi Guizot de 1833, probablement la plus importante du dix-neuvième siècle dans le domaine de l’enseignement, jusqu’aux lois Ferry, a en effet eu des conséquences durables. En enjoignant à chaque commune ‘soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, [End Page 399] d’entretenir au moins une école primaire élémentaire’ (article 9), et à chaque département d’entretenir une école normale pour la formation des maîtres (article 11), la loi Guizot a considérablement élevé le niveau de scolarisation — des garçons — en France: ‘Accentuant et systématisant un mouvement déjà à l’œuvre depuis 1828 et surtout 1830, la loi Guizot produisit des résultats impressionnants’ (pp. 92–93). Comme le signale Theis, les crédits de l’Instruction publique ont également connu des hausses substantielles au cours du ministère de Guizot. Ces résultats solides obtenus par un rénovateur de l’enseignement primaire n’ont pas empêché Guizot d’acquérir une réputation tenace de conservateur borné et de personnage terne, sans doute à l’image du souverain sous l’autorité duquel il servait en tant que ministre, à la suite de la chute de la Monarchie de Juillet. À juste titre, le livre de Theis établit au contraire le portrait d’un homme actif et entreprenant, d’un serviteur de l’État intègre et parfois réformateur (son opposition à toute réforme électorale reste cependant inexplicable et inexcusable) et d’un historien sérieux (même s’il lui manquait le talent littéraire d’un Michelet).

Edward Ousselin
Western Washington University
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