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  • État PrésentRoland Barthes
  • Claude Coste

Roland Barthes disparaît le 26 mars 1980 des suites d’un accident de la circulation. Plus de trente ans après, son œuvre occupe toujours une place centrale dans la vie intellectuelle française et connaît une importante réception dans les autres pays du monde. L’année 2015, qui coïncide avec le centenaire de sa naissance, montre par l’ampleur des manifestations organisées la vitalité du théoricien, du critique et de l’écrivain pour un large public international. À Paris, la Bibliothèque nationale de France présentait au printemps une exposition ponctuée de rencontres avec de nombreux écrivains; le Collège de France organise un colloque d’hommage en novembre 2015, sous la direction d’Antoine Compagnon; la fondation Singer-Polignac, les universités de Grenoble, Paris VII et l’ITEM–CNRS proposent en juin un colloque sur ‘Barthes et la musique’. Les chercheurs du Royaume-Uni ne programment pas moins de trois colloques, deux en mars, à Leeds (‘Roland Barthes and Poetry’, organisé par Andy Stafford) et à Cardiff (‘Roland Barthes at 100’, organisé par Neil Badmington), le troisième en octobre, à Londres, à la British Academy (‘Interdisciplinary Barthes’, organisé par Diana Knight et Michael Sheringham). On notera également les rencontres de Lisbonne (en juin, par Maria de Jesus Cabral), São Paulo (en juin, par Leda Tenório da Motta et Claudia Amigo Pino), Bucarest (en octobre par Alexandru Mattei), et La Paz (en novembre, par Marcelo Villena Alvarado) …

Cette permanence de Barthes tient sans aucun doute à la diversité d’une production intellectuelle très attentive à l’air du temps, très sensible aux métamorphoses de l’histoire. Présentée comme kaléidoscopique, l’œuvre de Barthes est régulièrement actualisée, au gré des problématiques du moment ou des intérêts de chacun. Outre la diversité d’une œuvre que chacun s’approprie à sa manière, la vitalité de Barthes doit beaucoup également à son rôle et à son rayonnement de professeur, d’abord à l’École pratique des hautes études de 1960 à 1976, puis au Collège de France jusqu’en 1980 (le dernier cours restera interrompu). Bon nombre des intellectuels ou des universitaires français exerçant actuellement une influence dans la vie culturelle ont été ses étudiants,1 ses proches ou ses amis. Souvent comparé à Socrate (figure pourtant qu’il n’aimait guère), Barthes ne laissait pas indifférent, ce qui explique le climat de grande affectivité qui entoure encore en France sa personne comme son œuvre. ‘Vous qui avez connu Barthes …’: en 2002, lors de la grande exposition organisée par Marianne Alphant et Nathalie Léger au Centre [End Page 363] Pompidou,2 à Paris, cette phrase qui valait comme adoubement est revenue tel un leitmotiv à la radio, dans les débats publics, au début de chaque intervention de colloque. Le climat affectif explique également en partie les vives polémiques suscitées par Bernard-Henri Lévy (en 1990, il publie sans autorisation la transcription d’une séance du Neutre, second cours au Collège de France) ou par la parution récente du Journal de deuil et des Carnets du voyage en Chine.3

Si le temps des polémiques s’éloigne ou si leur vivacité s’estompe, Barthes suscite encore réticences, inimitiés ou critiques sévères: ainsi, dans la lignée de Raymond Picard, René Pommier publie en 1988 sa monumentale thèse d’État, attaque en règle du Sur Racine4; l’année suivante, dans De Barthes à Balzac, Claude Brémond et Thomas Pavel reviennent sur S/Z, pour pointer les limites et les à-peu-près de ‘l’analyse textuelle’ de Sarrasine.5 Mais de manière générale, la réception se montre très positive, tout particulièrement chez les jeunes chercheurs qui entretiennent une relation plus distanciée avec les conflits passés.6 En 2010, s’est réunie autour de Claude Coste et Éric Marty une équipe Barthes au sein de l’ITEM–CNRS, dont la fonction première est de valoriser les archives de l’écrivain.7 Mais...

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