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  • Marie NimierSe risquer à raconter (des histoires)
  • Karin Schwerdtner

Depuis son premier texte, Sirène (1985), couronné par l’Académie française et la Société des Gens de Lettres, Marie Nimier a fait paraître une dizaine de romans dont plusieurs ont été récompensés par des prix, notamment Domino (1988, Prix Printemps du roman 1999) et deux romans “d’inspiration autobiographique,” La Reine du silence (Médicis 2004) et Les Inséparables (Prix Georges Brassens 2008). Outre ces écrits, auxquels ont suivi Photo-Photo (2010) et, tout dernièrement, Je suis un homme (2013), son œuvre comporte des chansons pour artistes, des livres pour enfants, des recueils dont celui écrit pour un spectacle, Vous dansez? (2005), et des textes de revue ou de collectif comme “La Violence des potiches” publié par La Nouvelle Revue Française (“Le féminisme en 2010”). Parmi les interviews avec l’auteure, parues il y a plusieurs années déjà, il faut mentionner surtout celle de Jeanne-Sarah de Larquier, “Entretien avec Marie Nimier.”

Avec ses pièces de théâtre, en particulier avec La Confusion (2011), mais aussi avec ses romans, Nimier prend le risque d’inventer des histoires susceptibles de “déranger,” selon son mot. Pensons surtout à La Girafe (1987),1 roman qui raconte les fantasmes et la vie sexuelle d’un gardien de zoo. Depuis ce livre, l’auteure n’a sans doute cessé d’étonner, sinon de “créer un certain malaise” (de Larquier 2004: 347), en imaginant des scènes ou récits autour de personnages qui suivent généralement leurs intuitions et dont on peut dire, après l’auteure, qu’ils sont “à la fois une chose et une autre” à l’instar de la figure mythique évoquée dans Sirène. Cette dimension de simultanéité est renforcée par l’hybridité formelle des œuvres. Dans La Nouvelle Pornographie (2000), par exemple, la pornographie de surface cache un récit dans lequel la narratrice, nommée Marie Nimier, se protège du dévoilement autobiographique en brouillant les niveaux de réel et de fiction [End Page 47] (Papillon 2010). C’est enfin par le biais de différents jeux sur les sons et sur le sens double des mots que Nimier souligne chez ses personnages une certaine complexité ou ambiguïté. Or, paradoxalement peut-être, cela même qui peut “dérouter” dans les histoires racontées et dans les termes et formes d’expression exploités fait aussi, sans aucun doute, “la richesse des textes de Marie Nimier” (de Larquier 2006: 198).

En mars 2012, lorsque La Confusion était à l’affiche du théâtre du Rond-Point à Paris et qu’elle écrivait Je suis un homme (2013), Marie Nimier m’a reçue chez elle, en Normandie. Mes questions ont tourné autour de trois notions: le désir, la concomitance (la simultanéité) et le risque. À travers les réponses de Nimier, j’ai bien compris chez elle l’importance de (se) surprendre. Il lui faut relever sans cesse d’importants défis pour qu’il lui soit possible de changer de voie et, si elle le désire, d’écrire une chose et une autre.

Q:

Pour Ventscontraires, la revue du Rond-Point, vous avez résumé La Confusion ainsi: “Il y a une fille qui range chez elle […]. Mais plus elle range, plus c’est dérangé, c’est peut-être ça l’histoire.” Cette “histoire” qui rend compte de deux mouvements (ranger et déranger) est-elle représentative de ce qu’il vous intéresse d’écrire aujourd’hui?

R:

Je m’intéresse beaucoup au fonctionnement du cerveau et de la mémoire, aux mécaniques inconscientes, aux fantômes qui nous font avancer, et qui nous font faire des choses que nous n’avions pas forcément envie de faire ou prévu de faire, enfin à toute cette machinerie intérieure qui nous habite, nous agit, nous fait bouger (ou stagner). Cette chose qui, comme le langage, est nous et pas nous à la fois. J’ai l’impression de travailler plus sur le fonctionnement de l’animal humain que sur le fonctionnement de la soci...

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