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Reviewed by:
  • Building a Public Judaism. Synagogues and Jewish Identity in Nineteenth-Century Europe by Saskia Coenen Snyder
  • Pierre Anctil
Snyder, Saskia Coenen – Building a Public Judaism. Synagogues and Jewish Identity in Nineteenth-Century Europe, Cambridge, Harvard University Press, 2013, 350 p.

Il y a un grand mérite dans certain cas d’aborder l’histoire d’une minorité religieuse ou d’un peuple minoritaire par le biais de la méthode comparée, particulièrement quand il s’agit d’étudier la situation contemporaine en Europe. C’est particulièrement le cas pour des populations qui sont présentes généralement partout sur l’Ancien continent et dont l’enracinement au cœur de l’Occident est très ancien. Dans son ouvrage intitulé : Building a Public Judaism, Saskia Coenen Snyder utilise précisément cette approche pour traiter de la présence juive à la fin du XIXe siècle dans quatre grandes capitales européennes : Londres, Berlin, Paris et Amsterdam. Parce qu’ils représentent une minorité non-chrétienne récemment ou partiellement émancipée sur le plan politique, et qui se situe au cœur de la cité, les Juifs offrent à l’historien une matière riche pour réfléchir au niveau d’ouverture et de tolérance à la diversité manifesté par différents pays européen. En comparant le sort réservé à cette minorité au sein de différents régimes politiques, l’auteur en arrive à des conclusions fort intéressantes sur le degré d’évolution des mentalités dans de vastes ensembles sociaux qui font pour la première fois l’expérience de la démocratie parlementaire et de ses mécanismes institutionnels. La Grande-Bretagne, l’Allemagne impériale, la France républicaine et les Pays-Bas forment en effet des régimes politiques suffisamment variés pour donner prise à des écarts assez importants dans le traitement des minorités juives. À travers ces variations il est possible de percevoir en quoi ces quatre pays se distinguent les uns des autres sur le plan des droits fondamentaux, et comment ils divergent quand vient le temps de poser des gestes concret d’accueil ou de rejet des minorités religieuses.

L’ouvrage de Saskia Coenen Snyder est d’autant plus intéressant qu’il aborde un enjeu décisif pour la perpétuation des différentes communautés juives européennes qui cherchaient à s’insérer de manière harmonieuse dans le tissu social environnant, soit la construction de lieux de culte judaïques d’envergure dans les grands boulevards de Londres, Berlin, Paris et Amsterdam. L’ère des [End Page 316] petites synagogues cachées honteusement au fond d’allées sombres est en effet révolue à la fin du XIXe siècle, et des congrégations juives composées de personnes aisées tentent désormais d’obtenir des autorités civiles la permission d’ériger des temples monumentaux qui reflèteraient l’état d’embourgeoisement croissant des Juifs dans les grandes villes. Bâtir un lieu de culte imposant devient ainsi une illustration éloquente de la réussite économique et du degré d’acceptabilité des nouvelles populations juives, désormais bien assimilées à la culture nationale de leur pays et désireuse de reconnaissance. Or, c’est un processus qui ne se produit pas uniformément dans différentes sociétés européennes, révélant pas là des réticences et des obstacles qui sont fondamentalement le reflet de perceptions différentes de la part des classes dominantes. En dernière analyse, ces tensions rendent bien compte de l’état d’inachèvement et du caractère parfois superficiel de l’émancipation juive en Europe au tournant du siècle, soit autant d’éléments qui préfigurent en filigrane la vulnérabilité des Juifs face à la montée, quelques décennies plus tard, de régimes politiques nettement plus droitistes et intolérants.

C’est ainsi que nous apprenons que les Juifs berlinois avaient cherché, en entreprenant vers 1850 la construction de la synagogue de la rue Orianenburger, à promouvoir et à accélérer l’émancipation de leur communauté, et à obtenir enfin l’égalit...

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