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  • L’Affreuse doctrine: matérialisme et crise des mœurs au temps de Diderot par Franck Salaün
  • Charles Vincent
L’Affreuse doctrine: matérialisme et crise des mœurs au temps de Diderot. Par Franck Salaün. Avec la collaboration de Claudette Fortuny. (Philosophie, épistémologie.) Paris: Kimé, 2014. 456 pp.

Dix-huit ans après avoir publié sa thèse de doctorat sous le titre L’Ordre des mœurs: essai sur la place du matérialisme dans la société française du dix-huitième siècle (1734–1784), Franck Salaün nous livre chez le même éditeur une version remaniée du même ouvrage. Le titre a changé cependant: il insiste à présent plus fortement sur l’analyse des controverses qui entoure le matérialisme des Lumières. Les deux seules rubriques nouvelles de l’ouvrage se situent dans la quatrième et dernière partie (‘Régénération et culture de soi’). La première, qui clôt le chapitre 11, s’intéresse aux débats sur ‘l’utilité du clergé’, et la seconde, qui achève le chapitre 12 et l’ouvrage, aux débats sur ‘qu’est-ce qu’un livre nécessaire?’ Revenons sur ces deux nouveautés. Le débat sur ‘l’utilité du clergé’ est abordé principalement sous l’angle de la critique du célibat en lien avec la question de la population. Il affermit l’idée que la notion d’utilité est de plus en plus importante dans la querelle sur les mœurs au dix-huitième siècle. La dernière rubrique du dernier chapitre de l’ouvrage consiste quant à elle en une longue analyse des positions de Malesherbes à l’égard de l’opinion publique et de la censure. Cette analyse conduit Salaün à une thèse d’ordre général, dont on peut imaginer les implications idéologiques: il n’y a pas d’opinion publique, mais ‘la pression irrégulière d’individus organisés en publics, et de publics convergeant en forces sociales’ ( p. 349). Parmi les ajouts de cette nouvelle version de l’ouvrage, on peut noter aussi l’insertion d’une étude succincte de Claudette Fortuny du parcours éditorial de la Lettre au R. P. Berthier sur le matérialisme, en 1759 (quatre pages). C’est peutêtre la courte Préface de cette seconde version qui retient le plus l’attention, passé les retouches ponctuelles. En quelques phrases, elle tente une mise en perspective de l’ouvrage, de ses enjeux et de son positionnement critique et intellectuel. Revenant sur la question des rapports entre les textes et les pratiques, Salaün cherche à se distinguer de ses prestigieux devanciers, comme Daniel Mornet, Jürgen Habermas ou encore Jonathan Littel, en remettant en cause l’existence, le fonctionnement et les effets de l’opinion publique. Il constate alors qu’entre 1750 et 1780 se produit une ‘accélération’ d’un processus remontant au moins à Descartes, et qui, dans sa forme la plus polémique, prend la forme du matérialisme. La conclusion de la Préface témoigne de la direction souhaitée de cette réécriture: ‘aujourd’hui’, écrit l’auteur, ‘il me semble que le phénomène décrit dans cet essai a une portée plus grande encore que celle que j’envisageais au moment de sa première rédaction. En effet, il permet à la fois de préciser le problème posé par la définition des Lumières, et de saisir à chaud, en quelque sorte, la rencontre entre des tendances culturelles profondes et des discours qui les manifestent tout en les interrogeant’ (p. 10). [End Page 247]

Charles Vincent
Paris
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