In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Des risques, des mines et des hommes by Sylvain Beaupré
  • Rafael Simoes Lasevitz
Beaupré, Sylvain, Des risques, des mines et des hommes, Québec: Presses de l’Université du Québec, 2012, 134 pages.

Quelle est la perception du risque chez les mineurs de fond et comment celle-ci est-elle devenue une condition objective du travail dans les mines? Ce sont des questions auxquelles tente de répondre l’ouvrage de Sylvain Beaupré, anthropologue spécialiste du travail et de l’objectivation de la pratique. Pour ce faire, il explore l’historique de la région, c’est-à-dire l’Abitibi-Témiscamingue, depuis sa colonisation initiale survenue à la fin du XIXe siècle jusqu’à la première moitié du XXe siècle, au moment où le boom de l’exploitation minière s’y est produit. Natif de la région et issu lui-même d’une famille de mineurs, Beaupré parvient à donner voix à ses interlocuteurs de maniére agile et intimiste, tâche qui a certainement été facilitée par sa maîtrise du lexique propre aux mineurs locaux. L’étude s’appuie sur l’importante littérature qui existe sur les enjeux de l’exploitation minière, du travail du mineur de fond et de ses risques, ainsi que de nombreuses entrevues et observations de terrain auprès de différentes générations de mineurs québécois et d’ailleurs. De manière convaincante, l’auteur démontre non seulement l’existence d’une culture minière fortement homogénéisée à un niveau global, mais surtout, l’existence d’une mécompréhension de la subjectivité des mineurs dans le contexte de la gestion du risque au travail.

Si l’on veut saisir les rapports qui existent entre l’organisation du travail et la culture minière en général, il est nécessaire, avant toute chose, de comprendre comment le travail s’organise dans le secteur minier. Beaupré décrit l’isolement physique des mineurs par rapport à leurs supérieurs, les travailleurs se retrouvant seuls au sous-sol d’une mine. Ils en viennent alors à se sentir complètement autonomes, c’est-à-dire, responsables de leurs actes, de leurs décisions et des risques encourus. L’appréhension subjective du risque serait par ailleurs directement influencée par l’octroi de primes de rendement et par la pression imposée par les supérieurs sur les mineurs de répondre à des quotas de productivité – soit deux facteurs clés de la manière dont les mineurs décident de gérer une situation risquée. Un autre aspect abordé par l’auteur, à propos de l’organisation du travail en mines de fond, est le recours à la sous-traitance, où des mineurs de « seconde classe » sont alors embauchés dans le but d’effectuer des tâches plus dangereuses à l’intérieur des mines. Le fait pour ces miniers de recevoir des primes de rendement plus importantes, alors qu’ils perçoivent des salaires moindres que leurs collègues de « première classe », serait le principal facteur de dissension entre ces deux groupes, rompant ainsi le lien de complicité pourtant essentiel à l’amélioration des conditions de sécurité au travail. La perception du risque chez les mineurs de fond serait dès lors circonstancielle et instable, et relèverait des rappels et des oublis, conscients ou non, pour se redéfinir à chaque moment. En effet, Beaupré y voit toutes les dynamiques d’un jeu, avec des règles auxquelles le mineur de fond doit se conformer pour rendre son travail possible. Autrement dit, face à une prise de conscience croissante des nombreux risques auxquels il devra se confronter tout au long de sa carrière professionnelle, c’est l’adhésion à l’illusio du travail minier, c’est-à-dire, la croyance en l’intérêt du jeu et des valeurs liées au champ où il s’active (Bourdieu 1997), qui rendra son travail quotidien viable, voire durable. La perception du risque chez les mineurs de fond dépendrait donc de l’inégalité des conditions de travail ainsi que des avertissements donnés aux « distraits » parmi les...

pdf

Share