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Reviewed by:
  • Gherasim Luca ou l’intransigeante passion d’être by Iulian Toma
  • Nathalie Wourm
Iulian Toma. Gherasim Luca ou l’intransigeante passion d’être. Paris : Honoré Champion, 2012. Pp. 304.

L’ouvrage de Iulian Toma offre une vision d’ensemble de l’œuvre de Gherasim Luca, indispensable à ceux qui ne connaissent guère le parcours du poète, mais également à tout lecteur n’ayant pas accès aux deux langues de prédilection de Luca, le roumain et le français. Toma a l’avantage du bilinguisme, ce qui lui permet de suivre le processus de développement de l’œuvre dès ses débuts à Bucarest en 1930 jusqu’au suicide de Luca à Paris, en 1994. Il est aussi historien littéraire et critique, plaçant l’évolution de Luca en contexte, révélant tout un pan de la vie littéraire franco-roumaine du vingtième siècle, et analysant les thématiques.

Par-delà ses relations complexes avec le mouvement surréaliste et ses contributions novatrices dans le domaine, on retient particulièrement l’importance de la vision anti-œdipienne de Luca. Celle-ci sera relevée par les philosophes Deleuze et Guattari dans L’Anti-Œdipe entre autres. Mais c’est son rapport au surréalisme qui définit avant tout son parcours poétique, et même biographique, puisqu’il est obligé de quitter la Roumanie en 1950, le surréalisme étant considéré comme bourgeois par les idéologues du parti communiste. Luca ne se déclare pas surréaliste, mais contribue tout de même au développement du mouvement en se livrant à des expériences sur l’automatisme verbal chez les enfants, les intégrant à ses travaux. Il réfléchit à la possibilité de liens entre le surréalisme et la cause prolétaire, à l’idée que l’art et la littérature puissent servir la révolution. [End Page 169] C’est ainsi que Luca vient à embrasser le concept de « poésie prolétarienne » dès 1933, et à renier certains poèmes d’avant, « écrits inutilement ». Il est, pour un temps, considéré comme l’un des pionniers de la « poésie prolétarienne » en Roumanie. Mais l’expérimentation poétique reprend le dessus, et en particulier le travail sur l’articulation verbale, le bégaiement, qui lui est propre. Là aussi, Luca intéresse Deleuze, qui voit en ses bégaiements une véritable déconstruction du langage et qui s’y arrête dans le « Bégaya-t-il » de Critique et clinique.

Iulian Toma propose une analyse riche, sans raccourcis, et rigoureuse des complexités de la vie poétique de Luca. Ce dernier n’est pas considéré de manière isolée, mais dans son mode de relation avec les poètes et groupes poétiques de son temps, parfois caractérisé par des collaborations amicales, parfois par des liens tendus. C’est aussi largement par rapport à André Breton, en tant que porte-parole du groupe surréaliste, et aux autres membres du mouvement, que l’apport poétique et théorique de Luca est mis en avant. Mais il faut ajouter que l’insistance de Toma sur le caractère quelque peu deleuzien du travail de Luca, même si elle est discrète, est tout à fait passionnante.

Nathalie Wourm
Birkbeck, University of London
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