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Reviewed by:
  • Écrits sur la poésie, 1981–2012 by Jean-Paul Michel
  • Michael Bishop
Jean-Paul Michel. Écrits sur la poésie, 1981–2012. Paris : Flammarion, 2013. ISBN 978-2-0813-0729-2. Pp. 319. 20 €.

Ce dernier livre de Jean-Paul Michel, avec ses essais, ses entretiens, ses ‘vertiges préjudiciels’, ses carnets, ses lettres et ses ‘réponses’, choisit de citer en tant qu’en épigraphe le beau vers du Paradiso de Dante, ‘dammi virtù a dir com’io lo vidi’. Et, en effet, toute l’œuvre de ce grand poète et essayiste—on lira, par exemple, Le plus réel est ce hasard, et ce feu (1997/2006), « Défends-toi, Beauté violente ! » (2001), « Je ne voudrais rien qui mente, dans un livre » (2010), Stupeur et joie de devoirs nouveaux (2009/2013) ou « Placer l’être en face de luimême » (2010/2013)—se fonde sur ce défi qui pousse à rester fidèle à ce qui, à la fois viscéralement, éthiquement et esthétiquement, correspond aux vérités vécues, senties, perçues du grand poète et lecteur que, lentement et sûrement, depuis quarante ans, il devient.

Rien de pleurnichant chez Jean-Paul Michel, aucun gémissement, toute tentation mélancolique est bannie, et ceci même si la sûre conscience d’un certain tragique, de tout ce qui peut angoisser, ne le quitte jamais, car faisant partie intégrante des signes d’un être-au-monde que, suivant la réflexion de Bataille, de Nietzsche également, il faut absolument ‘placer en face de luimême’, chercher à voir et à méditer dans toute sa nudité ontique. La passion, ce feu qui plonge corps et psyché dans les violences et les grâces des innombrables gestes de leur action-au-cœurde-l’être, la poésie étant ce sommet et ce devoir permettant à l’homme, à la femme, de s’actualiser, d’accéder à une plénitude-dans-et-pour-le-monde, une beauté vigoureuse, impénitente, une [End Page 168] ‘bonté seconde’—c’est cette passion qui, dans l’œuvre de Michel, domine, énergise poème et poétique, leur donne ce caractère si distinctif face à beaucoup de ses contemporain/e/s. Rares sont, aujourd’hui, les poètes de la joie, de la splendeur, de la fête de l’être. L’élégiaque l’emporterait, nous dit Jean-Michel Maulpoix. Différents modes mélancoliques en résultent. Un certain scepticisme, un air de lassitude, de je-m’en-foutisme même, peuvent se manifester, ou parfois le poème prend la forme d’une ironique impuissance à laquelle seule semble réussir à parer une réflexion quelque peu narcissique. La passion d’un Yves Bonnefoy, plus discrète quoiqu’infaillible, centrée sur le mystère de la ‘présence’ et l’étrange promesse d’une ‘poésie’ qui ne coïncide qu’indirectement avec le poème ; celle d’un Gérard Titus-Carmel pour le ‘travail de beauté’, ce ‘huitième pli’ que ne parvient pas à miner le poids de ce qui se perd ; la passion d’un Claude Esteban pressentant au sein du ‘normal, [l’] extraordinaire’, au sein de ce qui ‘tremble’, ce ‘tout [qui] s’illumine’ ; celle d’un René Depestre, cette ‘bouche de détresse buvant bol de clartés’, vivant, voyant ‘Hadriana dans tous ses rêves’ ; celle enfin—mais d’autres grandes voix resteraient à citer—de Herménégilde Chiasson optant lucidement, depuis le seuil des ‘injures’, pour des ‘béatitudes’—toutes ces passions s’écrivent dans le même sens que celle de Jean-Paul Michel, mais celle-ci va plus loin dans la lucide impétuosité, la brûlante et inébranlable ardeur de sa formulation des splendeurs de l’être, ‘une chance, un bonheur, une innocence, une liesse’, la poésie étant pour lui cet ‘excès’ au cœur d’une ‘ignorance’, d’une ‘agnose’ face à ‘l’énigme’—‘un àpic, comme l’existence’.

Devenir poète, aux yeux de Michel, exige ainsi un certain ‘héroïsme’, l’assumation inlassable d’une quête non pas du possible, mais de ‘l’impossible’, car seul celui-ci en...

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