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  • Tarnac, un acte préparatoire et Le livre des cabanes (extraits)
  • Jean-Marie Gleize

Tarnac coule en moi comme de la poussière. De la forêt j’ai d’abord retrouvé trois clichés gris et sombres, très gris, très imbibés de brouillard. Ils devront figurer dans le livre, ils devront figurer l’invisible, la masse informe et aveuglante, ce que voit l’enfant, ce qui le pénètre sans qu’il le sache.

Quelques jours après j’en ai retrouvé un quatrième, appartenant à la même série, plus foncé que les autres, forêt nocturne, orageuse, impénétrable. Il faudra les donner très tôt dans le texte, comme un avertissement.

Tu me demandais comment photographier la nuit.

Tu me demandes encore ce que veut dire « regarder absolument », ou regarder « jusqu’à l’extinction du regard ».

[…]

Immobile ici entre cour et jardin, je continue de voir. Le mur est blanc, il me tient (je veux dire que l’angle qu’il fait avec la table est comme le pli d’un drap, et je reste ainsi des heures à contempler ce lit calme, ce virage où rien ne bouge).

  • regarder absolument, d’un rire intérieur, ouvert, le

    paysage-enfance

  • … jusqu’à douleur dans les yeux, jusqu’à tremblement

    des mains

Quelque chose alors, de pièce en pièce, devant et sous les terrasses, entre les arbres, entre les meubles, sur les marches de l’escalier de pierre, dans le couloir, quelque chose alors, des mots, quelques pages—j’étais sans doute en train de lire, ou je devais dormir et je rêvais le livre et ces mots du livre et le bruit qu’ils devaient faire au moment d’éclater, un bruit de grenade, ou cette lumière intense et rapide, un éclair d’orage, quelque chose comme un acte préparatoire

[…] [End Page 52]

Lui, l’auteur des cahiers, voulait suivre l’exemple.

Depuis l’été 1908 il avait demandé à se dépouiller. À

vivre selon la règle. À boire du lait et de l’eau, à tenir

dans sa main « cette feuille d’arbre sèche ».

Plusieurs, de la même famille, seraient désormais

prénommés François.

C’est là qu’il avait cherché à connaître le très-pauvre, à

regarder les plaies inguéries.

C’est là dans le cimetière que son corps se décompose. Il

s’est fait enterrer nu dans un drap.

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Document « F », I [la voie de pauvreté]

« son apparence misérable disait assez où il plaçait son trésor »

« faites que le signe de notre communauté soit de ne jamais posséder rien en propre sous le soleil pour la gloire de votre nom, et de n’avoir d’autre bien que la mendicité »

« si nous possédions quelque chose il nous faudrait des armes pour nous défendre. De la possession naissent les difficultés et les disputes qui élèvent des obstacles à l’amour du prochain. C’est pourquoi nous ne voulons posséder aucune chose temporelle, aucune »

« si nous avions des biens il nous faudrait des armes et des lois pour les défendre. C’est pourquoi nous ne devons rien posséder, rien. »

« pour nous des cabanes de bois, aucun autre abri que les branches et des huttes, des cabanes. Il faut construire des cabanes »

[/] [End Page 53]

« si nous trouvons quelque part de l’argent, n’en faisons pas plus de cas que de la poussière que nous foulons aux pieds »

« nous ne devons estimer et apprécier l’argent plus que des cailloux »

« s’il arrive un jour que l’un de nous ramasse et possède de l’argent, qu’on le regarde comme un voleur, comme un propriétaire »

« ramasser les cailloux, aimer les cailloux, préférer les cailloux, les lits de cailloux au fond de la rivière »

« aimer la rivière »

« car l’eau elle-même a été lavée, et le feu purifié par le feu »

« ut sint minores ».

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Document « F » II [biographie]

Il a jeté ses vêtements sur le plancher et lancé l’argent sur le tas.

Il est sorti nu dans la...

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