In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Présence et absence juive en Allemagne: Schmalkalden 1812-2000 by Karine Moeglin
  • Jean-Marc Dreyfus
Karine Moeglin Présence et absence juive en Allemagne: Schmalkalden 1812-2000 Louvain, Peeters, 2012, XXXII-550 p.

Professeure à l’école technique de Schmalkalden, Karine Moeglin s’est intéressée à l’histoire des juifs de cette petite ville du Sud-Ouest de la Thuringe. Compilant tous les documents disponibles sur cette communauté à l’époque contemporaine, elle propose à la fois un volumineux travail de micro-histoire et une réflexion sur la mémoire et la trace d’une vie juive disparue dans la Shoah. En 1929, lors du dernier recensement avant l’avènement du régime nationalsocialiste, Schmalkalden comptait 10 361 habitants, dont 79 étaient membres de la communauté juive. Le pourcentage de juifs par rapport à la population totale avait baissé depuis le début du XIXe siècle: en 1827, 1,7 % des habitants étaient juifs. La communauté semblait en déclin mais elle fonctionnait encore et avait inauguré une nouvelle synagogue en 1929, la dernière probablement à avoir été construite en Allemagne avant l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Le choix de l’objet d’étude est donc dû au hasard : les juifs de Schmalkalden ne se distinguaient en rien des autres communautés des petites villes d’Allemagne. L’auteure insiste sur le maintien de ces petites communautés très avant dans le XIXe siècle: le judaïsme allemand ne s’est regroupé dans les grandes agglomérations majoritairement qu’à partir de 1870. L’affiliation territoriale de la petite ville – bourg commerçant à côté de Cassel – a varié à travers le temps: durant tout le XIXe siècle, elle a fait partie de la Hesse-Nassau mais s’est retrouvée dans la province de Thuringe pendant la Seconde Guerre mondiale, et donc sous le régime communiste jusqu’en 1989.

Les archives laissées par la communauté sont peu nombreuses et K. Moeglin les analyse avec un soin tout particulier, insistant largement sur les manques documentaires. Elle tente pour chaque sujet de son étude de décrire les communautés juives des régions avoisinantes (Bavière, Hesse), sans oser conclure à des similitudes. Les quelques documents conservés, et retrouvés, concernent le poste du seul employé communautaire, qui remplissait les fonctions d’enseignant du Talmud Torah pour les enfants et de chantre, et qui était aussi responsable de l’abattage rituel. Le pourvoi de ce poste a suscité de nombreuses difficultés et des crises profondes dans une communauté demeurée longtemps pauvre et relativement isolée des autres communautés juives et qui n’avait ni la taille, ni les moyens d’entretenir un rabbin. Cela témoignait, explique K. Moeglin, de l’importance accordée par les familles juives à l’éducation de leurs enfants, dans une tradition religieuse vue aussi comme une voie d’intégration à la Bildung allemande, et donc un moyen d’ascension sociale.

L’auteure se réfère ainsi largement aux études sur les juifs allemands au XIXe siècle, démontrant sa parfaite connaissance de la littérature à ce sujet. Elle s’attache particulièrement à l’ouvrage de Jacques Ehrenfreund sur les juifs berlinois à la Belle Époque, qui montre que le maintien de l’identité juive chez les individus les plus « assimilés » à la culture allemande est passé par une historicisation de cette identité1. K. Moeglin reprend largement ces idées et veut prouver que ce que J. Ehrenfreund a démontré pour les juifs berlinois peut s’appliquer aussi aux juifs des petites agglomérations. L’auteure veut ainsi redresser ce qu’elle voit – avec raison me semble-t-il – comme un biais dans la riche et complexe historiographie des juifs allemands, centrée sur la formidable réussite matérielle et intellectuelle d’une bourgeoisie éclairée, demeurée universaliste dans la montée d’un nationalisme ethnique fermé, et ayant produit tant de prix Nobel. Elle ne pose d’ailleurs pas dans son étude la question longtemps débattue de la symbiose judéo-allemande.

Cette Bildung judéo-allemande s’est également manifestée à Schmalkalden...

pdf

Share