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Reviewed by:
  • Religion and the Politics of Time: Holidays in France from Louis XIV through Napoleon by Noah Shusterman
  • Jean-Yves Grenier
Noah Shusterman Religion and the Politics of Time: Holidays in France from Louis XIV through Napoleon Washington, The Catholic University of America Press, 2010, XV-299 p.

Au cours d’un large XVIIIe siècle, la France a connu une forte réduction du nombre de jours de fêtes religieuses, conduisant à une division par deux entre Louis XIV et la Révolution française, puis à une réduction encore plus drastique durant l’Empire. Ce phénomène est bien connu des historiens mais le processus conduisant à cette limitation et ses enjeux le sont moins. C’est à leur étude détaillée qu’est consacré le livre de Noah Shusterman.

L’auteur commence par étudier le régime des fêtes religieuses durant l’Ancien Régime. Il montre que le nombre de jours chômés pour raisons religieuses varie fortement au XVIIe siècle: entre vingt-cinq et quarante, ce seuil étant même dépassé dans quatre diocèses (Toulouse, Paris, Dol, Vannes). Les interdictions de travail n’étaient cependant pas absolues : bien des évêques autorisaient le travail le dimanche et les jours de fête en cas de nécessité (comme en période de moisson, si la demande était faite auprès du curé) ou dans certaines activités (comme les perruquiers qui profitaient du rassemblement populaire dû aux festivités). Les sanctions civiles étaient par ailleurs très limitées (de faibles amendes) en cas d’activités serviles durant les jours non autorisés, preuve supplémentaire du peu d’intérêt porté à ces questions par les autorités administratives.

Si la plus grande partie de la diminution du nombre de jours de fête chômés se produisit après 1750, elle fut initiée spectaculairement en 1666-1667, sous le règne de Louis XIV, par une lettre envoyée par Colbert à tous les évêques de France (20 novembre 1666) afin de les inciter à limiter les fêtes dans leur diocèse. N. Shusterman a retrouvé dans les archives départementales de Saône-et-Loire ce qui semble en être l’unique exemplaire conservé. La politique religieuse eut sa part dans cette missive royale car Louis XIV était désireux, dans une perspective gallicane réaffirmée dans le grand édit de 1695 sur la juridiction ecclésiastique, de renforcer le pouvoir de l’épiscopat au détriment des autres autorités religieuses plus proches du pape.

Cette tentative eut des effets très variables selon les diocèses, se heurtant non pas à la mauvaise volonté des évêques mais à celle des fidèles et, comme à Paris, du parlement. L’épiscopat était en général favorable, dans un esprit inspiré par la réforme catholique, à la lutte contre les pratiques religieuses mal contrôlées et proches de la superstition comme pouvaient l’être les célébrations des saints. Les fêtes supprimées étaient toutes celles de saints patrons locaux, relevant de traditions plus ou moins anciennes, mais pas les fêtes universelles qui supposaient une décision papale. Au cours du XVIIIe siècle, la haute hiérarchie ecclésiastique se montra de plus en plus favorable à ce mouvement. En 1755 et 1760, l’Assemblée générale du clergé demanda ainsi une meilleure application des interdictions du travail le dimanche et les jours de fête en contrepartie de la diminution du nombre de ces derniers. L’Église était en fait plus mobilisée que l’État – qu’il s’agisse du Contrôle général, des intendants [End Page 1071] ou des autorités locales – dans ce processus, ce qui suggère que l’enjeu religieux l’emportait sur la dimension politique et économique. La centralisation plus forte de l’institution ecclésiale explique pourquoi la mobilisation de l’épiscopat conduisit à plus d’uniformité spatiale, harmonie que l’autorité administrative peinait par ailleurs à assurer.

Les lettres pastorales publiées par les évêques pour annoncer les suppressions de fêtes reflétaient...

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