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  • « Un pas de deux ». Clercs et paroissiens en Limousin (vers 1660-1789) by Stéphane Lajaumont
  • Anne Bonzon
Stéphane Lajaumont « Un pas de deux ». Clercs et paroissiens en Limousin (vers 1660-1789) Limoges, Pulim, 2014, 529 p. et 4 p. de pl.

Bien connu grâce aux travaux de Louis Pérouas, Nicole Lemaitre et Michel Cassan, le Limousin religieux d’Ancien Régime est examiné ici sous l’angle quasi exclusif des relations entre les prêtres et les paroissiens, à l’heure où l’essentiel de la réforme catholique est déjà en place. L’auteur s’intéresse à la période 1660-1789 afin de reposer la question de la déchristianisation d’une région rurale célèbre pour son détachement religieux très net dès le XIXe siècle. En effet, la thèse communément retenue – celle d’un fossé qui se creuse entre des clercs trop exigeants et les paroissiens qu’ils gouvernent – mérite un nouvel examen et une contextualisation plus fine.

Mobilisant un matériau historique particulièrement riche, l’ouvrage dresse dans une première partie un tableau de la réforme catholique dans les deux diocèses de Limoges et de Tulle. Alors que la pastorale prend un tour plus administratif, le rythme des visites épiscopales dans les paroisses ne faiblit pas et leur contenu a même tendance à s’enrichir. La promotion du curé – désormais formé au séminaire – et du cadre paroissial accompagne, sans conflit apparent, l’extinction progressive des clercs communalistes. Plusieurs ouvrages desti-nés à accompagner l’exercice de la cura animarum sont alors publiés, et l’auteur analyse les choix de l’épiscopat à partir des rituels, bréviaires et missels diffusés dans ces diocèses.

La marque de Saint-Sulpice est visible dans l’itinéraire des prélats comme dans celui de leurs grands vicaires, et c’est tout naturellement que la formation des prêtres à Limoges et à Tulle est confiée aux sulpiciens. Visant à promouvoir l’exceptionnalité sacerdotale, elle insiste sur la régularité de vie, l’oraison et l’habitus clérical, davantage que sur les connaissances, en théorie acquises lors du passage préalable par le collège. L’inventaire de la bibliothèque et le cahier renfermant les notes d’un séminariste révèlent néanmoins un niveau élevé d’exigence dans la formation théologique et morale, ainsi qu’une insistance sur l’Eucharistie qui orientera ensuite une bonne part de l’action pastorale. Face au fidèle, c’est donc une « supériorité bienveillante » (p. 114) que l’institution attend du curé.

Peut-être moins convaincante, la deuxième partie se place au plus près des paroissiens et recherche, comme l’ont fait Philippe Martin pour la Lorraine ou Marie-Hélène Froeschlé-Chopard pour la Provence, d’éventuelles inflexions dans le réseau paroissial, les dédicaces des lieux de culte et l’organisation des sacralités à l’échelle de la paroisse comme à celle de l’église. Stéphane Lajaumont met en évidence la stabilité du réseau paroissial, l’absence de transformation de l’espace sacré et d’affrontements entre clergé et fidèles à ce sujet. Le passage sur les cimetières, particulièrement bienvenu, analyse l’expression d’intérêts contradictoires face à l’ordonnance de 1776 et montre la manière dont la pastorale privilégie la voie de l’accommodement.

Dans une troisième partie, l’auteur s’inté-resse aux discours et pratiques de dévotion. Un très beau corpus de sermons manuscrits conservés à la bibliothèque du séminaire, étudié sous l’angle qualitatif et quantitatif, permet de mieux connaître la prédication ordinaire, son organisation, sa composition, ses sources d’inspiration et ses thèmes favoris. Par souci de s’adapter à leur public, les orateurs utilisent [End Page 1067] le patois et la langue française. Ils sont invités à privilégier la clarté et l’aspect didactique au détriment d’effets plus théâtraux. Quant aux missions, initiées au XVIIe siècle par la haute figure du...

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