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  • Chanter toujours. Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (XVIe-XIXe siècle) by Xavier Bisaro
  • Florence Alazard
Xavier Bisaro Chanter toujours. Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (XVIe-XIXe siècle) Rennes, Pur, 2010, 246 p.

Le projet de Xavier Bisaro, qui interroge la pratique du plain-chant, c’est-à-dire l’ensemble du répertoire de la musique vocale de l’Église catholique, utilisé pour la messe et l’office dans les paroisses rurales françaises entre les XVIe et XIXe siècles, est audacieux pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il oblige à quitter les lieux déjà investis par la recherche musicologique ou historienne, que sont les chapelles royales ou princières par exemple, pour approcher le plain-chant paroissial et « comprendre pourquoi les paroissiens chantèrent autant, dans l’insouciance routinière des jours tranquilles comme dans la fièvre des périodes où le danger et la mort rôdent autour du culte chrétien et de ses acteurs » (p. 15). Ensuite, il est l’occasion de réhabiliter une figure que la tradition musicographique avait longtemps ostracisée, celle du chantre inculte, fruste et mauvais chanteur. Il accompagne un renouvellement historiographique qui envisage désormais l’histoire des pratiques religieuses « par le bas » : « pratiqué à des degrés divers par l’ensemble de la population villageoise sans condition d’âge, de sexe ou d’appartenance sociale, le plainchant est à tous. Sa transmission de génération en génération et son exécution régulière en font un bien commun au même titre que les attributs concrets de la paroisse » (p. 133). Enfin, il choisit un cadre chronologique qui permet de comprendre comment le plain-chant, « à [End Page 1065] l’origine chant de l’Église », devient « chant de ceux qui vont à l’église » (p. 49) pour subir en définitive un processus de dépréciation qui finit par émousser la volonté farouche de « chanter toujours ».

X. Bisaro montre comment ce répertoire s’inscrit dans l’expérience sensible du laïc par la fréquentation de l’école paroissiale, où s’affirme la vocation éducative du plain-chant qui, « organisé au moins en principe par l’épiscopat, financé par les fondateurs de messes ou d’écoles pour durer éternellement, voulu par les laïcs au travers de leur école et codifié par le nouveau clergé, […] donne vie et sons à la société rurale » (p. 39). Il est alors possible, à travers les pratiques pédagogiques du plainchant, proches de celles de la lecture, d’analyser comment s’ancre le chant ecclésiastique dans les habitudes scolaires. Celui-ci devient un élément tangible de la religion villageoise, qui s’incarne autant dans la figure du chantre (le magistère et ceux qui l’entourent), « complément indicible du culte divin » (p. 77), que dans les objets du chant (lutrins, livres de chœur, livres portatifs). L’émergence d’une culture du livre propre au plain-chant, et ses conséquences sur l’apprentissage, les pratiques de chant et le répertoire, sont décrites par l’auteur avec une très grande finesse.

Ainsi, « le plain-chant des paroisses rurales est le moyen d’une mise en relation des présents aux morts autant que des présents entre eux » (p. 77) et il contribue à fonder une véritable communauté. Par ses caractéristiques techniques (il est faiblement mélismatique et accentué de façon prévisible), le plain-chant se prête à « une appropriation extensive » (p. 105) qui ne se traduit pas nécessairement par la construction d’une collectivité homogène. Elle concourt à élaborer un groupe traversé à la fois par des rapports de forces et par des liens de solidarité. Le chantre maître d’école y fait figure de « primus inter pares » (p. 106), dont « la voix est sans conteste la première dont la communauté a besoin » (p. 114), mais qui n’entrave pas l’activité chantante des autres paroissiens.

X. Bisaro insiste particulièrement sur la façon dont le plain-chant est associé à une réflexion plus générale sur...

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