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  • La monarchie ecclésiale. Le clergé de cour en France à l’époque moderne by Benoist Pierre
  • Olivier Poncet
Benoist Pierre La monarchie ecclésiale. Le clergé de cour en France à l’époque moderne Seyssel, Champ Vallon, 2013, 460 p. et 16 p. de pl.

Que la cour de France soit un centre de pou-voir et de décisions à l’époque moderne et que la religion et les ecclésiastiques y tiennent une place notable, voilà qui ne devrait pas surprendre. Pourtant, le rapprochement entre les deux réalités n’est rien moins qu’évident. Comme le rappelle Benoist Pierre dans la dense et vigoureuse introduction de son essai sur la monarchie ecclésiale, « l’histoire des cours et des systèmes politiques à l’époque moderne a longtemps vécu sa propre sécularisation épistémologique » (p. 7). Que l’on ne se méprenne pas sur le projet de son livre: il ne s’agit pas de proclamer « Religion d’abord » ou « Clergé d’abord », mais de s’interroger sur la manière dont les ecclésiastiques de la cour ont autonomisé leur position, entre service domestique du souverain et service de l’État, vis-à-vis des autres groupes présents dans l’espace aulique, qu’il s’agisse de la noblesse ou des magistrats, et par rapport au reste de l’Église. Pour ce faire, B. Pierre récuse le concept d’influence pour lui préférer la reconstitution « d’un système d’idées et plus généralement d[‘un]e vision du monde et d[e son] imaginaire » (p. 10).

La démonstration est organisée en deux volets d’importance inégale. Dans une première partie, une analyse synchronique fait justice de l’expression « clergé de cour » et de sa réalité, et en envisage les différentes formes, de service de la Chapelle aux missions [End Page 1063] diplomatiques et militaires, en passant par le rôle de conseiller du souverain. L’auteur met en garde contre les jugements dépréciatifs portés sur ces ecclésiastiques d’un genre inédit, dont l’ambition flagorneuse est indirectement mise en avant par les épîtres dédicatoires, nécessairement laudatives et quémandeuses. Il n’oublie pas le patrimoine des ecclésiastiques de cour, quoique ses remarques sur leur fortune se cantonnent souvent aux aspects artistiques et architecturaux.

La notion de service pose des problèmes que les sources ne parviennent pas toujours à résoudre avec clarté. Le cas du cardinal Antoine Duprat, entré dans les ordres après son veuvage et qui devint chancelier et légat sous François Ier, pose sans détour la question de savoir s’il a simplement réorienté sa carrière pour continuer de gravir les échelons d’une destinée personnelle ou s’il a nourri un projet pour le pouvoir royal qui fît appel à la dimension religieuse, comme le pense plus volontiers B. Pierre? Il est délicat de trancher entre une vision trop strictement mécaniste des données sociales – dont les résultats fonctionnent même quand on les rapporte à de larges séries bien documentées – et l’intuition de l’historien qui tente de donner du sens à une action effectivement infléchie par l’appartenance au premier ordre du royaume.

L’espace de ce service constitue un autre volet de la question: tout ne se résume pas à la cour, ni même à la capitale, encore moins au seul royaume si l’on considère les ecclésiastiques diplomates qui, de Madrid à Constantinople et à l’Empire, servent le roi. L’auteur n’a pas souhaité étendre son enquête au clergé qui sert objectivement le roi de France auprès des autres puissances et singulièrement à la cour de Rome, où la politique de nominations et de pensions en faveur de cardinaux ou de prélats curialistes s’accentue selon les règnes, en par-ticulier sous Henri IV. Plus problématique enfin est la définition du groupe ainsi délimité, aux pôles si dissemblables. D’un côté, on ignore beaucoup de choses sur le personnel de...

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