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Reviewed by:
  • Histoire des protestants en France, XVIe-XXIe siècle by Patrick Cabanel
  • Yves Krumenacker
Patrick Cabanel Histoire des protestants en France, XVIe-XXIe siècle Paris, Fayard, 2012, 1502 p.

C’est une véritable somme que nous offre Patrick Cabanel, spécialiste d’histoire contemporaine. Il n’y a pas eu d’histoire des protestants français, des origines à nos jours, depuis les trois volumes de Samuel Mours (1959-1972) et le volume collectif dirigé par Philippe Wolff en 1977; encore s’agissait-il d’œuvres de moindre envergure que celle-ci qui fait la part belle à l’Ancien Régime. L’ensemble repose sur une documentation considérable; avec une bibliographie de 70 pages, il est toujours possible de signaler des manques, mais l’essentiel y est, y compris, en abondance, les travaux anglo-américains.

Le plan, classique, est chronologique. De la naissance du protestantisme en France, aucune cause unique ne se dégage, ni géographique, ni sociale, ni historique (regrettons seulement que le rapport aux vaudois ne fasse aucune part aux thèses d’Euan Cameron, peu connues en France1). L’importance du livre (la Bible, mais aussi les Psaumes, l’Institution de la religion chrétienne et les Actes des Martyrs) est rappelée dans un chapitre stimulant, qui aurait cependant pu faire plus de place au catéchisme et aux sermons qui permettent à l’écrit d’être mémorisé par des populations peu alphabétisées. Après les premières persécutions, la violence se déchaîne, surtout en 1562, en attendant la Saint-Barthélemy. Dans les deux cas, l’auteur rend compte des différentes interprétations, en nuançant notamment l’opposition indiquée par Denis Crouzet entre les violences catholiques et protestantes, sans accorder de place au «désangoissement» qu’aurait permis la religion réformée2. Il insiste sur la déshumanisation de l’adversaire, en osant un parallèle éclairant avec les drames du xxe siècle, et parle de « nettoyage confessionnel », en référence aux « nettoyages ethniques » contemporains. Les guerres proprement dites ne sont pas vraiment traitées, l’auteur préférant voir comment les tentatives de conciliation permettent aux juristes de remplacer les théologiens et à l’État de refonder un corps politique en l’autonomisant des enjeux confessionnels, selon l’analyse d’Olivier Christin3. Une grandeattention est également portée à l’écriture et à la mémoire des guerres de Religion, y compris par les gravures, ainsi qu’à l’exil. Ce faisant, P. Cabanel donne surtout à voir la violence et les combats, et ne dit rien sur l’organisation interne des huguenots, le culte, la piété, il est vrai moins bien documentés que pour les siècles suivants. La formation d’un «parti» nobiliaire huguenot n’apparaît guère non plus.

La deuxième partie présente la période de l’édit de Nantes principalement sous l’angle institutionnel, démographique et sociologique, avec une insistance remarquable sur le rayonnement artistique et intellectuel des huguenots. Une comparaison avec les dhimmis dans l’empire ottoman permet justement de présenter l’édit de Nantes comme à la fois protégeant et enfermant les protestants, en les mettant à l’écart. Notons aussi la réflexion stimulante, que l’on retrouve pour la période contemporaine, sur ce que peut être un artiste protestant: suffit-il de pratiquer un art, ou faut-il le faire d’une manière différente des catholiques, ce qui est malaisé à démontrer? Cette partie se termine par un chapitre sur les mesures qui mènent à la révocation de l’édit de Nantes, depuis les guerres des années 1620.

La troisième partie traite de l’édit de Fontainebleau, de ses conséquences immédiates, dont la guerre des Camisards, et des réactions protestantes; les chapitres qui suivent sont consacrés à la diaspora huguenote, au Refuge, réintégrant ceux qui ont fui la France dans l’histoire nationale. Ces derniers sont même davantage étudiés que ceux qui sont restés. Il s’agit là d’un parti pris surprenant...

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