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Reviewed by:
  • Divided by Faith: Religious Conflict and the Practice of Toleration in Early Modern Europe by Benjamin J. Kaplan
  • Bertrand Forclaz
Benjamin J. Kaplan Divided by Faith: Religious Conflict and the Practice of Toleration in Early Modern Europe Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 2007, VIII-415 p.

Depuis une décennie, de nombreux travaux ont été consacrés à la thématique de la coexistence religieuse dans l’Europe moderne – un effet indéniable de l’apparition d’une coexistence inédite entre des sociétés largement sécularisées et leurs minorités musulmanes. Benjamin Kaplan a le grand mérite d’avoir réalisé une synthèse de ces recherches et d’en offrir une interprétation destinée non seulement à la communauté scientifique, mais également à un public plus large. Comme le sous-titre l’indique, B. Kaplan s’intéresse à la pratique de la tolérance plus qu’à son idée. Ce point fort de l’ouvrage va de pair avec la remise en cause du paradigme traditionnel selon lequel les Lumières auraient contribué à l’émergence de la tolérance. Le cadre retenu est particulièrement large, puisqu’il comprend l’ensemble de la chrétienté latine, soit l’Europe occidentale et centrale, mais aussi une partie de l’Europe orientale, et qu’il inclut non seulement les confessions chrétiennes, mais aussi les juifs et les musulmans.

Si les historiens se sont longtemps concentrés sur les conflits, B. Kaplan ne tombe pas dans l’excès inverse, aussi la première partie de son ouvrage se rapporte-t-elle aux obstacles à la coexistence. Le premier chapitre, au caractère introductif, concerne l’opposition des Églises rivales à la tolérance. L’auteur y présente le paradigme allemand de la confessionnalisation, soit l’émergence des confessions concurrentes et leur entreprise de disciplinarisation des fidèles. Il insiste en particulier sur leur recherche d’uniformité, dont la mise en œuvre conduisit à la redéfinition des communautés : les liens étroits entre communauté civile et communauté sacrée entraînèrent la superposition entre paroisses d’une part, communes rurales et urbaines de l’autre.

B. Kaplan s’intéresse ensuite à la violence religieuse « populaire », dont il relève le caractère extraordinaire au cours de l’époque moderne. En s’appuyant notamment sur les travaux de Natalie Zemon Davis, il propose une stimulante typologie des conflits, généralement provoqués par trois types d’événements : les processions, la célébration des fêtes catholiques (et en particulier de la Fête-Dieu) et les funérailles. Enfin, il met en avant l’autre obstacle majeur à la pratique de la tolérance que constitue l’articulation entre appartenance confessionnelle et identité politique, avec l’imposition de l’uniformité confessionnelle par les souverains. Par-delà la question de l’application du principe de territorialité des confessions, plus ou moins réussie selon les [End Page 1060] pays, l’auteur souligne à juste titre comment les membres des minorités religieuses étaient souvent perçus comme des traîtres potentiels.

La deuxième partie de l’ouvrage, peut-être la plus innovante, est consacrée aux arrangements entre confessions. B. Kaplan rappelle à juste titre l’importance revêtue par la recherche d’unité religieuse tout au long de l’époque moderne, selon des modalités différentes : irénisme, par exemple dans les colloques de religion, ou compréhension, ainsi dans l’Église anglicane, voire arrangements locaux. Le chapitre relatif aux régions de frontières confessionnelles est particulièrement novateur. L’auteur montre que, dans certains territoires, la tolérance d’une minorité confessionnelle était rendue possible par la capacité qu’avaient ses membres de traverser la frontière pour pratiquer leur culte. Ce rapprochement physique créait une symbiose entre des communautés de confession différente, tandis que cette pratique respectait les frontières tout en les violant. Autre chapitre réussi, celui sur les Églises clandestines présentes dans les Provinces-Unies, mais aussi dans d’autres États sous d’autres formes. Une fiction culturelle qui, tout en assurant le monopole de l’Église officielle sur l’espace public, a...

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