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Reviewed by:
  • To Tell their Children: Jewish Communal Memory in Early Modern Prague by Rachel L. Greenblatt
  • Natalia Muchnik
Rachel L. Greenblatt To Tell their Children: Jewish Communal Memory in Early Modern Prague Stanford, Stanford University Press, 2014, 301 p.

Spécialiste de l’histoire culturelle des juifs dans l’Europe moderne, Rachel Greenblatt s’intéresse à la mémoire communautaire et aux rapports entre histoire et mémoire. Cet ouvrage, qui résulte en grande partie des recherches effectuées pour sa thèse de doctorat, s’inscrit dans cette veine. Il s’attache à la communauté juive de Prague, depuis les années 1580, lorsque la cité devient capitale du Saint-Empire, jusqu’aux premières décennies du XVIIIe siècle, à l’aube des Lumières. L’importance numérique de la communauté juive, près du quart de la population de la ville à la fin de la période, et son rôle culturel de premier ordre font de Prague l’un des centres du monde juif européen. R. Greenblatt souhaite offrir «un modèle concret d’une mémoire juive en un seul lieu, en montrant comment les mémoires étaient constituées et consignées, comment les idées prenaient une forme matérielle et littéraire» (p. 3).

L’ouvrage est dense et complété par un appareil de notes fourni et un index détaillé. Rigoureux dans son développement, il est servi par les riches archives du Musée juif de Prague et par une centaine d’imprimés, en yiddish et en hébreu principalement. Il est abondamment illustré par des cartes et des photos d’ouvrages, d’objets cultuels et de pierres tombales. Partant de la complexité du statut de l’histoire en monde juif, particulièrement en raison du poids du passé biblique et de la mémoire collective qui en est issue, l’auteure s’élève contre ceux qui, tel Yosef Yerushalmi1, dans la lignée de Maurice Halbwachs, imputent à l’une l’absence de l’autre. Ce qui advient est alors interprété dans le seul cadre vétérotestamentaire, répétition de faits déjà advenus ou signes du destin du peuple hébreu, traces de la colère ou de la faveur divines. Pour R. Greenblatt au contraire, l’intérêt des juifs pour leur propre passé et l’écriture d’une histoire dont ils seraient aussi les acteurs, loin de s’effacer derrière la ferveur religieuse et l’anonymat du collectif, existent bel et bien en creux. Il se lit dans la façon dont les juifs de Prague ont transcrit leur propre parcours, non par un récit strictement historique, mais en privilégiant des considérations sur la vie matérielle et les actes du quotidien, sous des formes diverses, tels que des chants ou des récits familiaux. La difficulté de son propos réside notamment dans la tension qui marque les pratiques cultuelles et culturelles des juifs de Prague, comme, du reste, celles de la plupart des communautés : entre séparation vis-à-vis des cultures majoritaires et identification avec la diaspora juive, emprunts aux traditions locales et singularisation au sein du monde juif.

L’argumentaire se découpe en six chapitres thématiques. Dans un premier chapitre, [End Page 1027] l’auteure s’intéresse à la manière dont la mémoire communautaire se lit dans l’architecture civile et religieuse juive et dans son calendrier cultuel. Elle reconstruit pour ce faire l’histoire récente de l’implantation juive, montrant comment les événements passés, les pogroms surtout, et les figures de la communauté, ayant institué des synagogues « privées », ont marqué la Prague juive. Le deuxième chapitre est centré sur le cimetière et la mort, évoquant aussi bien les épitaphes et l’esthétique des pierres tombales que les écrits qui commémorent les défunts. R. Greenblatt poursuit cette réflexion sur l’œuvre mémorielle dans le troisième chapitre consacré aux écrits autobiographiques familiaux. Ceux-ci ont pris la forme des Meguilot, des récits de délivrance établissant des jours de Pourim sp...

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