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  • Une économie de la pauvreté. La comptabilité du couvent des franciscains de Lausanne à la veille de la Réforme (1532-1536) by Stéphanie Manzi
  • Clément Lenoble
Stéphanie Manzi Une économie de la pauvreté. La comptabilité du couvent des franciscains de Lausanne à la veille de la Réforme (1532-1536) Lausanne, Université de Lausanne, 2013, 309 p.

L’ouvrage présente et édite, fort bien, une comptabilité tenue pendant quatre ans par [End Page 1021] le couvent des franciscains conventuels de Lausanne avant sa suppression en 1536. Même si ce témoignage de soixante-dix-sept feuillets est mince, il éclaire, à la veille de la Réforme, une part de cette économie des frères mineurs qui a beaucoup retenu l’attention des chercheurs ces dernières années. Le volume est composé, en plus de l’édition des comptes, de quatre chapitres exposant rapidement l’histoire du couvent, la structure de la source et la vie matérielle des frères au début des années 1530, complétés par les notices biographiques de vingt-cinq frères et plusieurs tableaux (structure des comptes, fonctions des frères, mains trouvées dans la source, vérifications, quêtes). L’analyse paléographique et codicologique montre que ces comptes ont été recopiés et organisés en rubriques sans doute à partir d’une comptabilité quotidienne. Ils étaient tenus par les procureurs du couvent et vérifiés très souvent par le lecteur et un conseil de frères.

Les recettes et les dépenses sont analysées dans le troisième et le quatrième chapitre. Même s’il n’avait pas abandonné la quête, vers 1530 ce petit couvent vivait essentiellement de revenus réguliers (jusqu’à 70% des recettes), des rentes apparemment léguées par les fidèles pour financer la célébration des messes pour le salut de leur âme et assimilables, selon l’auteure, à la propriété foncière et au crédit. Les dépenses sont majoritairement consacrées à l’alimentation, à l’entretien des bâtiments et au fonctionnement courant du couvent. Celui-ci est constamment endetté: ses revenus ne suffisent pas à couvrir ses besoins fondamentaux.

Si les frères avaient « malgré tout le souci de ne pas exagérer ni d’accumuler de richesses », Stéphanie Manzi doute qu’ils aient vécu dans « une réelle instabilité » (p. 126) et elle évoque la possibilité d’une «mise en scène» de l’usus pauper (dont Jacques Chiffoleau n’est pas l’inventeur, contrairement à ce qui est suggéré). Les rentes sont considérées par l’auteure comme le signe le plus important de l’éloignement des franciscains par rapport à leur propositum vitae initial, au profit d’une adaptation à l’économie urbaine (« nous sommes définitivement bien loin de l’idéal de vie au jour le jour préconisé par l’ordre à ses débuts », p. 81). Le fil rouge choisi est, dans la tradition d’une histoire internaliste des ordres, la façon dont les frères auraient vécu depuis le XIIIe siècle en s’éloignant de la règle (on aurait aimé que les travaux de David Burr, Malcolm Lambert, Roberto Lambertini, Giovanni Grado Merlo, Sylvain Piron et Giacomo Todeschini soient préférés à ceux de Lazaro Iriarte et François de Sessevalle).

Afin d’inscrire ce cas des années 1530 dans un contexte plus large, S. Manzi le compare au couvent d’Avignon un siècle plus tôt. L’ensemble des revenus des messes, des legs et des dons perçus par les Avignonnais est considéré, à tort, comme des revenus fixes, ce qui transforme en économie rentière une économie constituée en fait à 80 %, voire plus, de revenus ponctuels et irréguliers. Un don n’est évidemment pas équivalent à une constitution de rente, un legs non plus, même s’il est versé en plusieurs fois (les limites chronologiques et le vocabulaire des comptes lausannois ne semblent pas permettre de savoir toujours avec certitude si l’exécution de certains legs est étalée sur quelques années ou s...

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