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Reviewed by:
  • La dîme, l’Église et la société féodale by dir. Michel Lauwers
  • Monique Bourin
Michel Lauwers (dir.) La dîme, l’Église et la société féodale Turnhout, Brepols, 2012, 634 p.

Les recherches menées dans le cadre de cet ouvrage sont contemporaines du colloque de Flaran, organisé par Roland Viader en 20081. Ces deux entreprises constituent un renouveau des études de la dîme, qui n’avait pas fait l’objet d’un travail spécifique depuis l’ouvrage de Giles Constable en 19642. Certes de nombreuses monographies et articles avaient abordé le sujet et un questionnement nouveau sur l’histoire des territoires paroissiaux avait préparé le terrain de ces deux enquêtes. [End Page 1012]

Ce gros ouvrage rassemble seize contributions, enserrées entre un copieux et essentiel chapitre préliminaire de Michel Lauwers et une postface de Mathieu Arnoux. La bibliographie est éclatée, présentée dans les abondantes notes infrapaginales. Un index des personnes et des lieux rend aisée la consultation de l’ouvrage sur des points précis. Les études régionales concernent principalement la France, avec des focales diverses; Luigi Provero et Simone Collavini éclairent aussi le cas du Piémont et de la Toscane.

Les contributions suivent, en gros, l’ordre chronologique; la période centrale du Moyen Âge (Xe-XIIIe siècle), où la réforme grégorienne joue évidemment un rôle de pivot, représente à elle seule les deux tiers de l’ouvrage. L’un des grands intérêts du livre est de faire se côtoyer les analyses du discours ecclésial, théologique et canonique, et celles des situations sur le terrain, au cœur des rivalités que suscite la perception des dîmes. Ces deux aspects sont même unis dans la belle étude de Thierry Pécout sur la Provence au XIIIe siècle. Libre au lecteur de construire un itinéraire thématique ou chronologique.

Le premier champ, celui de la construction de la loi ecclésiastique, présente l’évolution de la théorie générale de la dîme et accorde une attention spécifique à la question des dîmes monastiques, notamment à travers la contribution très argumentée de Cécile Caby. Deux traités sont édités dans le volume: l’un, probablement d’un maître auxerrois du IXe siècle, auquel est consacré l’article de Guy Lobrichon; l’autre, le De decimis et premiciis, édité par T. Pécout, est l’œuvre de Benoît d’Alignan, évêque de Marseille de 1230 à 1268. Cet argumentaire en vingt-trois rubriques à l’encontre de ceux qui refusent de payer les dîmes est un « jalon dans la pratique de l’inquisition épiscopale» (p. 424).

Outre les questions classiques pour l’historien de l’économie et de la société que sont le poids réel de la dîme, les produits sur laquelle elle est levée et les bénéficiaires – aussi bien possesseurs que collecteurs –, est abordé l’angle archéologique du stockage, à travers les granges et les silos. Plus inhabituel encore chez les historiens, la littérature apporte sa pierre à l’édifice par la présentation des Passions où Judas, fratricide et incestueux, est bénéficiaire d’une dîme.

Comme le fait remarquer M. Lauwers, les textes normatifs renvoient une image cohérente du projet ecclésiastique, mais la pratique de la dîme est éminemment diverse. La post-face écrite par M. Arnoux prend acte de cette diversité et conclut que «l’un des enjeux du volume est de comprendre comment vont de pair le projet volontariste […] qui est celui de l’Église dans son discours de réforme et les dynamiques d’identification locale […] qui marquent les paysages européens durant le Moyen Âge » (p. 592). Une synthèse des résultats de cette longue enquête polymorphe aurait été utile et l’on regrette que ne figure nulle part un bilan du régime et des composantes du prélèvement décimal, inévitablement morcelés dans l’ouvrage. À défaut...

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