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Reviewed by:
  • Bruno en Calabre. Histoire d’une fondation monastique dans l’Italie normande: S. Maria de Turri et S. Stefano del Bosco by Annick Peters-Custot
  • Eliana Magnani
Annick Peters-Custot Bruno en Calabre. Histoire d’une fondation monastique dans l’Italie normande: S. Maria de Turri et S. Stefano del Bosco Rome, École française de Rome, 2014, 430 p.

En prenant comme point de départ un dossier de vingt-cinq actes diplomatiques latins et grecs, voire bilingues, antérieurs à 1101, notamment ceux du comte Roger Ier de Hauteville (v. 1031/1040-1101), Annick Peters-Custot revient sur la figure de Bruno (de Cologne?) (v. 1024/1031-1101) et sur sa fondation érémitique en Calabre (Santa Maria de Turri ou de Heremo, à proximité du castrum de Stilo). Son étude vise à rétablir certains faits que la critique historique (celle de Bernard Bligny, par exemple) a eu du mal à imposer face à la geste cartusienne construite entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, reprise ensuite jusqu’à nos jours. Ainsi, ce n’est qu’en 1514 que Bruno a été reconnu comme fondateur « charismatique » de la Grande Chartreuse et que sa fondation en Calabre, où il a fini ses jours, a été intégrée à l’ordre chartreux. Le mouvement de canonisation qui lui a attribué ce rôle a récupéré son lieu d’inhumation et incorporé les archives calabraises à l’ensemble cartusien et au récit hagiographique composé pour l’occasion et publié en 1515 par le prieur général des chartreux François du Puy († 1521).

Ces faits étant acquis, il demeurait à cerner le caractère et le contexte de la fondation calabraise, ainsi que le rôle de Bruno, ce que l’auteure réalise de manière définitive. Outre l’analyse de la construction rétrospective de la figure de Bruno «fondateur» des chartreux, le livre soulève et résout quelques questions clés : la reconstitution de son arrivée en Italie, en réponse à l’appel de son ancien élève à Reims, le pape Urbain II, en tant qu’archevêque de Reggio di Calabria choisi (electus) dès septembre 1089; le renoncement à la charge épiscopale et l’installation de l’ermitage, en 1090/1091, dans des lieux où demeurait peut-être vivace le souvenir du monastère du Vivarium érigé au VIe siècle par Cassiodore; la compréhension du nouvel établissement monastique comme expression de la mainmise comtale sur l’organisation de l’Église du comté de Calabre et relais probable de la politique réformatrice de la papauté.

Toute la démonstration se fonde sur une documentation délicate à manier, car en grande partie disparue et connue soit par des copies ou des éditions modernes (en particulier la somme de l’historien chartreux Benedetto Tromby), soit par des photographies du début du XXe siècle (la collection des clichés de documents italo-normands provenant de Richard Salomon). S’appuyant sur la nouvelle édition critique des actes de Roger Ier1, et en constant [End Page 1010] dialogue avec l’historiographie antérieure, l’auteure examine avec acuité chaque acte d’un ensemble où les « interpolations » et les « falsifications » dans les documents comtaux sont nombreuses. L’un des enjeux de l’étude est de restituer le contexte dans lequel ces «manipulations » ont pu être réalisées, et l’hypothèse chronologique défendue force l’adhésion: entre 1198 et 1220/1221, à l’époque de la minorité et avant le couronnement impérial de Frédéric II (1194-1250) qui profite au «grignotage de l’autorité publique» (p. 181), ainsi qu’au moment du développement contemporain de l’ordre cistercien dans le royaume de Sicile via l’annexion de monastères préexistants et la prise en main de leurs archives.

C’est le cas, à partir de 1192, de Santo Stefano del Bosco, le monastère bénédictin fondé vers 1120 qui prend le pas sur l’ermitage Santa Maria de Turri, situé à environ 1,5 km de distance. Les débuts de la fondation de Bruno sont ainsi connus...

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