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  • Le feu aux poudres : une ethnologie de la modernisation du service public by Ghislaine Gallenga
  • Charles Bosvieux-Onyekwelu
Ghislaine GALLENGA. – Le feu aux poudres : une ethnologie de la modernisation du service public. Paris, Éditions du CTHS, 2011, 303pages. « Le Regard de l’ethnologue ».

Le livre de Ghislaine Gallenga, maîtresse de conférences en anthropologie à l’université d’Aix-Marseille, est issu de sa thèse de doctorat, réalisée dans le cadre d’une immersion avec occupation de postes de travail au sein de la Régie des transports de Marseille (RTM). L’auteure avait d’abord été engagée par la Régie dans le cadre d’une convention CIFRE, avant de voir son « contrat » prolongé via un appel d’offres du ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Nous verrons que ces précisions sur la condition statutaire de l’auteure ne sont pas sans incidence sur la position de l’enquêteur.

Ghislaine Gallenga débute son étude par deux chapitres d’approche qui permettent de situer son travail par rapport à la question du service public et aux [End Page 125] spécificités de l’entreprise étudiée. Le premier chapitre revient ainsi sur les avatars connus par la notion de service public depuis sa mise en exergue par les juristes et « administrativistes » de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Elle explique notamment que le service public fait maintenant l’objet de nouveaux discours centrés sur l’impératif de réforme et de plus grande « efficience ». Sur ce point, l’auteure aurait pu être plus diserte sur ce que ces nouveaux discours doivent, même de loin, à l’école dite de la nouvelle gestion publique (New public management). Le deuxième chapitre présente les grandes lignes d’organisation de la Régie et l’inscription dans le paysage marseillais d’une entreprise qui n’a pas forcément bonne presse auprès de la population, du fait notamment de conflits sociaux récurrents.

Pour décrire le long mouvement de grève qui a perturbé la Régie à la fin de l’année 1995 et au début de l’année 1996, l’auteure revient sur le contexte national de contestation du projet relatif aux retraites et à la Sécurité sociale défendu par le gouvernement d’Alain Juppé. Le livre s’appuie sur une bonne mise en intrigue du conflit qui montre comment s’articulent le local et le national : même si certaines revendications des machinistes marseillais sont spécifiques et ne peuvent se comprendre qu’en tenant compte de la politique de management mise en place par la RTM au début des années 1990 (comme par exemple la dénonciation du double statut, en vertu duquel le personnel roulant embauché après septembre 1993 voyait son temps de travail augmenté, bénéficiait d’une couverture sociale moindre et était désavantagé dans le choix de ses congés annuels), elles rejoignent l’esprit et les mots d’ordre des salariés en grève contre le plan Juppé. La particularité des enjeux locaux est encore plus apparente quand, alors que le reste de la France reprend le travail (autour du 20 décembre), le mouvement se poursuit à Marseille bien au-delà de Noël. Les négociations tripartites entre les syndicats, la RTM et la ville de Marseille se concluront finalement le 8 janvier par la signature d’un accord abolissant le double statut, avec à la clé une hausse significative des salaires.

Outre une iconographie qui rappellera des souvenirs à ceux qui connaissent Marseille et son réseau de transports urbains, l’ethnologie du mouvement social marseillais développée par Ghislaine Gallenga a pour principal atout d’apporter un regard privilégié, in situ, sur la grève. Dans cette rupture du cours ordinaire des choses, on trouve des symboles (le feu qui doit constamment brûler à l’entrée des dépôts de bus, « nos Jeux olympiques à nous », dit l’un des grévistes), mais aussi des rapports de force paroxystiques (« paranoïdes », dit l’auteure), et une violence...

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