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  • Haïti, naissance d’une nation : La Révolution de Saint-Domingue vue d’en bas par Carolyn Fick
  • Jean Waddimir Gustinvil
Haïti, naissance d’une nation : La Révolution de Saint-Domingue vue d’en bas. Par Carolyn Fick. Traduit par Frantz Voltaire. Paris : Les Perséides, 2014. ISBN 9782915596983. 512pp. €29.90.

La version française du livre de Carolyn Fick, The Making of Haïti : The Saint-Domingue Revolution from Below, est disponible sous le titre Haïti, naissance d’une nation : La Révolution de Saint-Domingue vue d’en bas. Le livre est traduit et édité par Frantz Voltaire à l’occasion du « 30ème anniversaire du CIDHICA et du 90ème anniversaire de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie ».1 Cette traduction vient réparer une injustice faite aux lecteurs et chercheurs francophones qui étaient privés de la possibilité de lire ce travail important et intéressant dans leur langue.

Ce livre connu jusqu’ici exclusivement par les lecteurs anglophones est maintenant disponible en langue française. Il s’est fait remarquer dès sa première publication en langue anglaise par l’originalité de la thèse soutenue par l’auteure et par l’acuité de sa perspective théorique. Soulignons que la première publication en 1990 a fait l’objet d’une note de lecture de la part de la revue Itinéraire de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti (UEH) en 2002.2

L’apport du livre découle de l’originalité de la thèse développée, celle-ci vient « nuancer » ou du « moins contester une certaine vision de l’histoire [des masses serviles dans la révolution servile] »,3 c’est-à-dire, elle vient réhabiliter le rôle des groupes subalternes dans les mouvements d’émancipation servile. En ce sens, une lacune théorique dans l’historiographie coloniale en général et dans l’historiographie haïtienne en particulier, généralement fortement dominée par l’histoire des grands chefs (26) vient d’être comblée. Cette démarche nous montre qu’une « vision par le bas » i.e., d’un point de vue subalterniste ne s’oppose pas à une vision globale de la formation sociale haïtienne. La thèse développée dans ce livre est une illustration de la possibilité de saisir la société révolutionnaire dans sa complexité. Carolyn Fick s’est efforcée, à partir de l’exploration de nouvelles sources, d’accéder à ce que James C. Scott aurait appelé le « texte caché » des masses des esclaves de Saint-Domingue afin de dégager leur point de vue sur l’ensemble des événements.4 D’ailleurs, l’auteur fait le constat suivant : « Jusqu’à ces deux dernières décennies environs, très peu [End Page 210] de recherches, du moins fondées sur les sources d’archives de l’époque, ont été consacrées spécifiquement à la masse des esclaves noirs qui prirent part à cette Révolution en tant qu’acteurs autonomes, avec des intérêts et des objectifs propres, souvent en contradiction avec, ou en opposition directe à la voie tracée par les dirigeants politiques et militaires » (26). Ainsi, ce travail reprend l’histoire officielle de la révolution de Saint-Domingue à rebrousse-poil pour pouvoir dégager le « travail de négation » qui est à l’œuvre dans le « texte caché » des masses serviles, une fois qu’il a été restitué.

Nous ne devons pas perdre de vue ce que nous dit à ce sujet l’auteur de La Domination et les arts de la résistance concernant le « texte caché ». Celui (le texte caché) élaboré en contexte de domination et d’oppression par les groupes subalternes ou des groupes dominés a pour caractéristiques propres d’être un texte réponse qui s’oppose au « texte » des groupes dominants structurant ces rapports de domination et d’oppression. C’est un texte de résistance qui sévit grâce à son art de « camouflage ». Le souci que s’est donnée l’historienne pour décrypter le texte des...

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