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  • Rhétoriques de l’exemple: fonctions et pratiques ed. by Emmanuelle Danblon, et al.
  • Anna Jaubert
Rhétoriques de l’exemple: fonctions et pratiques. Sous la direction d’ Emmanuelle Danblon, Victor Ferry, Loïc Nicolas et Benoît Sans. (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté.) Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté, 2014. 161 pp.

Ce volume qui réunit les contributions de six auteurs (Francis Goyet, Marc Angenot, Fabrice Clément, Alain Rabatel, Sebastian McEvoy, et Ekkehard Eggs) se présente comme une vaste et ambitieuse enquête ‘au cœur de la raison humaine’ (p. 7). Cette enquête a été dirigée par l’école bruxelloise de rhétorique qui revivifie la tradition aristotélicienne en s’inscrivant dans le sillage de Chaïm Perelman. En première approche, ces six études consistantes (chaque article compte entre vingt et vingt-cinq pages), dispersent les centres d’intérêt, tant les perspectives, qui sont développées à partir de lieux divers (l’analyse littéraire, la sociocritique, la psychologie cognitive, le droit) paraissent éclatées. Il fallait pourtant cette multiplicité de points de vue pour mettre en évidence la puissance fonctionnelle de l’exemple capable de s’illustrer sous différentes modalités, et finalement de rendre intelligible toute l’activité humaine. Cette approche résolument plurielle fait donc sens: contrairement à une conception instrumentale et cloisonnée de la rhétorique, elle permet d’accéder à la profondeur d’une discipline transversale, mère des interactions humaines. L’exemple, tel qu’il est considéré par les directeurs de cette publication, y fait figure de ‘passeur’, un passeur envisagé d’abord sous l’avatar du récit, car il est une forme à la fois narrative et inférentielle. La leçon délivrée par le ‘démarrage’ des Essais de Montaigne révèle la fonction de séduction exercée par les exemples, historiques en l’occurrence. La démonstration de Francis Goyet insiste sur leur aspect plaisant et facile, qui conforte aussi bien des règles que des contre-règles et nous invite à ‘rompre les amarres’ avec le monde du prêt à penser. Dans la contribution d’Alain Rabatel l’exemple est toujours narratif, mais sa fonctionnalité est existentielle: devant les faits inédits et barbares de l’histoire, le récit de témoignage qu’il interroge dans l’œuvre singulière de Charlotte Delbo, Auschwitz et après, ouvre un sas mental qui donne à l’impensé une premi ère élaboration, processuelle et heuristique. À cet égard le témoignage est un récit exemplaire qui ‘intellectualise’ les événements et permet d’objectiviser l’expérience traumatique. L’enchaînement inductif qui va des exemples à la règle peut aussi être inversé: l’approche originale de Marc Angenot montre comment l’Affaire Dreyfus a été préconditionnée par la construction du modèle archétypal du ‘traître juif’. La rhétorique de l’exemple entrant au service d’une théorie du complot s’avère dangereusement autoréalisante. Cet échantillonnage montre bien l’intérêt de la diversité des approches qui, toutes, font valoir la vertu argumentative de l’exemple: ‘on argumente en racontant’. Il est complété par des considérations plus théoriques sur son mode opératoire, son aptitude à générer un effet de croyance (Clément), sa valeur de précédent en contexte judiciaire (McEvoy), et la pertinence même des rapprochements qu’il induit (Eggs): toutes problématiques qui nous donnent une idée intéressante du vaste champ couvert par les rhétoriques de l’exemple. [End Page 590]

Anna Jaubert
Université Nice-Sophia Antipolis
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