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Reviewed by:
  • L’Italia e la guerra d’Algeria (1954-1962) by Bruna Bagnato
  • Andrea Brazzoduro
Bruna Bagnato
L’Italia e la guerra d’Algeria (1954-1962)
Soveria Mannelli, Rubettino, 2012, 799 p.

L’historiographie sur la guerre d’Indépendance algérienne, déjà très riche et abondante, connaît depuis plusieurs années un profond renouvellement suscité en partie par l’arrivée de nouveaux chercheurs porteurs d’une approche globale du conflit. Ainsi, la guerre d’Algérie, libérée d’une optique franco-algérienne étriquée et resituée dans le cadre analytique des équilibres globaux de l’après Seconde Guerre mondiale, a pu être définie comme une « révolution diplomatique1 ». La France, qui avait remporté la bataille sur le terrain militaire, perdit néanmoins la guerre sur le plan politique, ce que Jean Lacouture avait qualifié de « paradoxe absolu2 ».

Le livre de Bruna Bagnato participe de ce renouveau, restituant dans le moindre détail la complexité de l’enjeu géopolitique méditerranéen vu de l’Italie, « seul pays à la fois atlantiste, européen et anticolonial » (p. 18). Le cas italien, qui avait déjà attiré l’attention des historiens français3, trouve ici une étude de référence.

L’objectif de l’auteure est de « comprendre comment l’Italie s’est mesurée à la question algérienne en essayant de donner un poids aux variables de nature internationale et interne qui, dans leur entrecroisement, déterminèrent sa perception du conflit (et les, éventuelles, réactions) » (p. 12). Elle y parvient dans un livre-fresque imposant sur un épisode crucial de l’après-guerre en Italie et dans le monde, au moment où « l’axe Nord-Sud croisait, et modifiait, les termes de la confrontation Est-Ouest », déplaçant ainsi « la guerre froide sur le nouveau terrain d’une ‘coexistence compétitive’ où le mètre de la puissance devenait beaucoup plus ductile et articulé » (p. 215).

Par une approche diachronique fine, B. Bagnato suit l’élaboration de la politique étrangère italienne au plus près : sont analysés au jour le jour, souvent heure par heure, les contradictions, les revirements, les ambiguïtés d’une politique écartelée entre fidélité européenne et atlantiste d’un côté et velléité de se tailler un rôle d’importance en Méditerranée, notamment vis-à-vis des entités indépendantes naissantes en Afrique du Nord, de l’autre.

À l’aide d’une mobilisation de sources archivistiques parfois vertigineuse, les positions de tous les acteurs sont prises en compte : présidence de la République, Premier ministre et gouvernement, ministère des Affaires étrangères, partis politiques, presse. Sont aussi considérées, en nécessaire contrepoint, les positions des pays du Maghreb, des États-Unis, de l’Europe et, évidemment, de la France ; la relation franco-italienne constituant le vrai « fil [End Page 837] rouge du travail » (p. 14). Les événements sont, de fait, souvent analysés à plusieurs reprises. Mais ce qui pourrait sembler de prime abord redondant se révèle être une technique efficace pour apprécier – dans une sorte d’« effet Rashomon » – la lecture singulière que chacun des acteurs donne des événements, selon son point de vue et ses priorités.

En 1949, l’Italie, suite à la perte de ses colonies africaines (Libye, Érythrée et Somalie) sur décision de l’Onu, avait rapidement considéré l’« opportunité de l’anticolonialisme comme moyen d’action diplomatique » (p. 34). Toutefois, si ce choix « pro-arabe » imposa un « double registre de langage » (p. 39), l’option occidentale et européenne ne fut jamais remise en question. Il en est de même pour le rapport privilégié entretenu avec la France. Non seulement parce que sans la France la construction européenne aurait probablement été abandonnée, mais également parce que, dans une politique avouée de do ut des, l’appui du voisin transalpin pouvait être déterminant pour obtenir un siège à l’Onu ou prendre part aux débats sur les questions encore ouvertes de Trieste et...

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